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Ne serait-il pas formidable de vivre dans un monde où l'on peut bénéficier de tous les avantages d'une transaction ou d'une action? Vous vendez votre maison : vous recevez l'argent et vous continuez à l'habiter sans payer de loyer. Vous quittez votre travail, mais continuez à recevoir votre salaire hebdomadaire. Vous ne mettez pas d'argent de côté, mais vous touchez tout de même une généreuse prestation de retraite (oups...cela exige déjà pour certains dans la vraie vie!).
La fameuse récente décision des dirigeants de Google devrait amener les investisseurs à réfléchir et à souhaiter des changements. Le fameux dividende en actions sans droit de vote que la société souhaite distribuer permettra aux fondateurs de contrôler la compagnie sans avoir à conserver une majorité dans l'actionnariat.
Bien sûr, pour justifier ce genre de structure, on fait appel à des arguments qui touchent la corde sensible des actionnaires. Par exemple, on dit qu'on veut favoriser les plans à long terme plutôt qu'à court terme pour le bien de la compagnie. Pour y arriver, on veut s'assurer d'écarter le risque d'une prise de contrôle par des méchants requins qui seraient en quête d'un profit rapide au détriment d'une création de richesse véritable à long terme pour tous les actionnaires. En d'autres termes, la direction semble dire : ''Nous sommes les meilleurs dirigeants pour cette compagnie et indirectement pour vous les actionnaires. Prenons des mesures pour que nous puissions faire notre travail sans nous inquiéter d'être constamment jugés par les autres''.
Or, cette grande inquiétude provient souvent du fait que la direction souhaite vendre une bonne partie de ses actions, mais tout en conservant le précieux avantage du contrôle de la société. On désire donc le beurre et l'argent du beurre! Dans certains cas, nous avons l'impression que les actionnaires sont pris pour des idiots. Si une offre d'achat importante provenait d'une firme quelconque, les actionnaires auraient à se prononcer. Ils décideraient si l'offre s'avère une alternative plus intéressante que de conserver le titre de la société visée. Et si la firme désireuse d'acheter procédait plutôt à un achat massif des actions, sa position serait divulguée, et les dirigeants ne manqueraient pas de mettre au parfum les actionnaires au sujet des risques de cette prise de contrôle. En outre, si la société par actions détient une forte capitalisation, l'acheteur ferait face à tout un défi pour réussir à acquérir au moins 50% des titres.
Bien sûr, avec un tel pourcentage, le contrôle devient absolu. Toutefois, en contrepartie, tout geste stupide de la part de l'acquéreur pourrait mener à une perte financière importante. Voilà le but ultime de la règle qui dicte qu'on doit posséder au moins 50% des actions pour contrôler une entité. Le prix à payer pour obtenir cette majorité des votes s'avère relativement élevé, et il oblige l'acquéreur à subir les conséquences financières des décisions futures au sein de la société.
Mais pourquoi les fondateurs amènent-ils leur société à la bourse? En procédant ainsi, ils ont accès à un financement presque illimité par le biais d'émissions d'actions. Ils peuvent donc espérer une expansion rapide pour leur société. Toutefois, très souvent, les fondateurs souhaitent vendre une partie de leur compagnie, tout en continuant à la gérer. Ainsi, ils peuvent encaisser des montants substantiels, et au besoin, vendre davantage d'actions sur les marchés afin d'obtenir plus de liquidités.
Lorsqu'une compagnie privée est vendue, le fondateur doit souvent se résigner à tout vendre, ainsi qu'à céder le contrôle à d'autres personnes. On peut difficilement imaginer un acheteur payer un commerce en entier, tout en laissant au vendeur le contrôle absolu sur ce même commerce. L'acheteur pourrait souhaiter dans certains cas que le fondateur reste en poste, afin de gérer les opérations. C'est d'ailleurs ce que fait Berkshire Hathaway lorsque la société procède à une acquisition. Néanmoins, le contrôle revient au nouveau propriétaire. Si le fondateur ne gère plus efficacement la filiale, M. Buffett verra à le faire remplacer.
Avec les catégories d'actions spéciales permises pour les sociétés publiques, nous assistons à une situation qui ne serait probablement pas tolérée dans le secteur privée. Il suffit d'une seule action votante, contre des milliards d'actions non votantes, afin de fournir le contrôle d'une société entière à un seul individu. Accepterait-on qu'un nouveau dirigeant qui vient de se faire embaucher demande de se faire émettre une action donnant droit à un nombre suffisant de votes pour prendre tout le contrôle d'une société? Pourtant, lorsqu'il s'agit des fondateurs, cela semble naturel.
Dans le cas où ces derniers souhaitent vendre une partie de leur entreprise, mais en garder le contrôle, le 50% des actions nécessaires constitue une mesure juste et équitable pour tous. Selon nous, par souci d'équité envers tous les actionnaires, les actions sans droit de vote et les actions multi-votantes devraient être illégales. Un fondateur devrait obligatoirement avoir à effectuer un choix entre conserver un important investissement dont il a le contrôle, ou céder une partie de ce dernier en échange de sommes substantielles d'argent. Et épargnons-nous le discours de la ''diversification''! Un dirigeant qui vaut plusieurs milliards de dollars sur papier et qui possède des centaines de millions de dollars en liquidités a-t-il vraiment besoin de diversifier ses avoirs afin d'assurer son avenir financier?