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Les agences de notation ont souvent été critiquées concernant leur manque de vigilance dans l'évaluation des titres de créances avant et pendant la crise. Beaucoup d'investisseurs et de professionnels ont été bernés par l'excès d'optimisme des agences. Trois ans plus tard, qu'avons-nous appris sur ces firmes? Éprouve-t-on davantage de méfiance face à leur capacité d'évaluation?
Étonnamment, Standard & Poor, Moody's et Fitch continuent de servir de référence lorsque vient le temps de qualifier la solidité d'un emprunteur. Inconsciemment, on leur attribue un énorme pouvoir, et par conséquent, ces firmes peuvent faire la pluie et le beau temps. Même les autorités ont contribué à leur suprématie, lorsqu'en 1975, la SEC a statué que seules les cotes des trois plus grandes agences pouvaient être utilisées dans le cadre de ses propres règlements. Heureusement, six autres agences de notation sont incluses aujourd'hui. Cependant, leur règne est déjà établi. Les agences S&P, Moody's et Fitch, couvrent 97% du marché, détenant respectivement 42%, 37% et 18%, selon la SEC (U.S. Securities and Exchange Commission). À l'image de MasterCard et Visa dans l'industrie des paiements, elles ont accaparé le marché et elles sont devenues la ''norme''. Elles peuvent donc contrôler les prix.
Moody's a instauré des augmentations de 5% en moyenne cette année, et pourrait imposer une hausse similaire en 2012, selon le chef de la direction, Ray McDaniel.
Joseph Mancini, directeur des finances de West Haven, Connecticut, mentionne que les coûts pour avoir une cote auprès de Moody's ont presque doublé en six ans. Pour éviter la décote, on doit effectuer d'importantes coupes budgétaires dans cette ville de 55 000 habitants. ''Si nous décidons de ne pas renouveler notre cote de crédit afin de sauver des coûts, les créanciers vont nous punir davantage!''
Berkshire Hathaway constitue l'actionnaire le plus important de Moody's, avec une participation de 12,8%. Warren Buffett a déjà déclaré que Moody's et S&P peuvent se permettre d'augmenter les prix, car elles forment un duopole naturel. ''Très peu d'entreprises jouissent de la position compétitive de ces deux sociétés. Berkshire doit elle-même rester cliente de Moody's lorsque vient le temps d'émettre de la dette. Nous payons pour une cote, ce que nous n'apprécions guère.''
Les courtiers en obligations peuvent difficilement vendre leurs produits si ces derniers ne sont pas cotés. Sans ces cotes, les clients les refusent! Qui plus est, la plupart des fonds de pension et des régimes publics dictent leurs critères d'investissement selon les cotes de crédit! Comment échapper aux agences de notation lorsque les règles d'investissement des gros fonds de pension reposent sur ces cotes mêmes? Ainsi, Moody's peut déclarer qu'une certaine entreprise risque de voir sa cote abaissée si elle n'arrive pas à obtenir du nouveau capital. Le fonds de pension, détenant le titre de cette entreprise, risque d'avoir à le vendre si la cote est changée. En effet, dans les politiques d'investissements des fonds, on y retrouve habituellement les catégories de titres qui sont permis. Dans bien des cas, on stipule que les sociétés sous-jacentes aux titres doivent être cotées à un niveau minimum prédéterminé. Par conséquent, Moody's exerce indirectement un grand pouvoir sur les affaires des entreprises.
Qui plus est, comment peut-on accepter le conflit d'intérêt évident que posent les cotes de crédit? Les entreprises qui sont cotées paient elles-mêmes pour ce service. Si Moody's craint de perdre un gros client en abaissant sa cote, elle pourrait remettre en question sa décision. Nous pensons que ce conflit est survenu à maintes reprises avant et durant la crise. Dans bien des cas, les agences souhaitaient probablement procéder à des révisions de cote, mais elles risquaient de froisser leurs clients. Et avant que la crise ne survienne, il aurait été facile pour une entreprise dont la cote est révisée de critiquer les agences de notation en les accusant de causer une panique générale chez les créanciers. Ainsi, on leur aurait attribué le déclenchement de la crise! Par conséquent, plus souvent qu'autrement, les agences réagissent en retard. On peut donc facilement remettre en question leur utilité pour les investisseurs sérieux.
A-t-on absolument besoin de ces agences? Si la plupart des investisseurs apprenaient le minimum nécessaire pour évaluer la solidité d'une entreprise, nous pensons que ces firmes deviendraient vite désuètes. Cependant, nous sommes bien conscients du nombre importants de personnes qui désirent déléguer ce travail à d'autres. Mais qu'en est-il des gestionnaires de fonds de pension? Pourquoi rémunère-t-on grassement un gestionnaire qui se fie aux cotes plutôt qu'à son jugement pour sélectionner une série d'obligations? N'est-il pas justement payé pour exécuter le travail que S&P, Moody's et Fitch effectuent? Les épargnants devraient se poser la question à savoir s'ils en ont pour leur argent lorsque leurs économies sont gérées par une tierce partie.