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Avant d'investir, les gens ont souvent le réflexe de considérer l'économie dans son ensemble, afin de déterminer si la société convoitée performera bien à court ou moyen terme. Nous avons souvent mis en garde les lecteurs à ce sujet, à l'effet que la sélection d'entreprises individuelles prime par rapport à un investissement basé sur les éléments macroéconomiques.
Le contexte américain constitue un bel exemple. De façon générale, les gens craignent les États-Unis, mais privilégient le Canada. Or, baser ses décisions sur la bonne tenue d'un pays peut faire manquer de belles opportunités. Lorsque nous analysons un grand nombre de titres, nous mettons l'emphase sur les critères propres aux entreprises sous-jacentes. Ainsi, parmi les candidats dans un secteur précis, certains présentent des caractéristiques nettement mieux que les autres.
En 2009, nous regardions surtout du côté du secteur bancaire. Ce dernier souffrait d'une incroyable impopularité. Avant la crise, la plupart des titres ne nous intéressaient point. Ils se transigeaient tous trop cher. Au coeur de la crise, on assiste à l'inverse. Toutefois, nous étions fort conscients de la précarité de l'économie. Nous devions demeurer prudents face à nos choix.
Nous avons donc opté pour les banques les plus solides. Par conséquent, elles devaient afficher un ratio des prêts sur l'équité le plus bas possible, jumelé avec un faible ratio des prêts douteux. En détenant peu de prêts par rapport à son avoir nette, une banque jouissait de l'extraordinaire possibilité d'acquérir les actifs d'une autre banque en difficulté, particulièrement dans le cadre d'une entente avec la FDIC (Federal Deposit Insurance Corporation).
Les ententes avec la FDIC comprenaient des termes très alléchants pour l'acquéreur. On couvrait 95% des pertes à venir sur les prêts acquis jusqu'à concurrence d'une certaine somme. Par la suite, on couvrait 80% de pertes subséquentes. Dans certains cas, l'acquéreur s'emparait des actifs à fort escompte. Donc, non seulement il bénéficiait d'actifs à bon prix, mais en plus, il pouvait compter sur l'aide de la FDIC advenant leur détérioration à un niveau plus élevé que prévu.
Au coeur de la crise, nous ne savions pas si l'économie allait s'enfoncer davantage, ou si elle connaîtrait une amélioration soudaine. Donc, en sélectionnant une banque utilisant peu de levier, nous étions gagnants sur les deux tableaux. Si l'économie empirait, la société raflerait des actifs à prix de rêve. Dans le cas contraire, son titre était appelé à s'apprécier.
Bien entendu, il s'avérait primordial de sélectionner des titres nettement sous-évalués. Même en 2009, il subsistait beaucoup de titres bancaires dont l'évaluation ne semblait ne pas tenir compte du contexte économique. Ils se transigeaient chèrement, souvent pour des raisons de perception à leur endroit. Certaines banques étaient considérées très solides par les investisseurs. Leur titre offrait donc peu de potentiel d'appréciation.
Le meilleur exemple que nous puissions donner, c'est le titre d'Access National (ANCX-Q). Ce tableau (cliquer ici) nous démontre clairement que la société s'en est bien tirée durant la crise. En 2009, ses profits ont atteint un niveau record. Cette banque jouissait d'un avantage supplémentaire sur plusieurs de ses concurrents. Les revenus de la division de création d'hypothèque étaient fouettés par la baisse des taux d'intérêt. Ainsi, alors que l'économie se dégradait, cette division prenait avantage des nombreux refinancements d'hypothèques. En effet, lorsque les taux baissent, les débiteurs cherchent à refinancer leurs prêts afin d'obtenir de plus bas taux. Or, comme ces baisses surviennent normalement en temps de marasme économique, Access National détenait une certaine forme de ''protection''.
Malgré ses excellents attributs, la société a vu son titre s'effondrer d'environ 70% depuis son sommet. C'était une belle et rare occasion pour les investisseurs, alors qu'on pouvait rafler le titre à un prix inférieur à sa valeur au livre, par rapport à une valeur estimée à 2 fois la valeur au livre.
Nous ne pouvions pas ignorer la situation macroéconomique. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous demeurions particulièrement sélectifs. Certains autres titres bancaires se transigeaient à bien meilleur escompte, mais le risque à assumer s'élevait à un degré que nous jugions inconfortable. Nous exigions un très haut niveau de sécurité.
Or, la situation économique a changé aux États-Unis. Nous étudions présentement des titres que nous n'aurions même pas considérés il y a 3 ou 4 ans. Par conséquent, nous devons avouer que nous prenons effectivement le contexte économique en compte lorsque nous effectuons nos recherches. Toutefois, le secret repose dans la sélection. Parmi une centaine de titres d'un secteur spécifique, certains présentent moins de risques, ainsi que davantage de potentiel. En prenant soin de ne choisir que les meilleurs, nous nous assurons de mettre toutes les chances de notre côté.
Au sujet des auteurs du blogue : Patrick Thénière et Rémy Morel sont propriétaires de Barrage investissement privé, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com