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Lorsqu'on entreprend la lecture d'un long rapport annuel, il faut parfois y consacrer quelques heures. Avec l'expérience, on peut déterminer plus rapidement les informations qui s'avèreront plus utiles. Et comme vous vous en doutez, un rapport de ce genre ne se lit pas nécessairement comme un roman, du début à la fin.
Normalement, un rapport comprend les parties suivantes : la lettre aux actionnaires, une partie dédiée à la présentation de la société où l'on fournit des données soigneusement sélectionnées, un rapport de gestion et les états financiers accompagnés de leurs notes.
Comme la lettre aux actionnaires figure souvent au début d'un rapport, il peut s'avérer tout naturel pour un actionnaire d'initier la lecture avec cette partie. Toutefois, les chiffres d'un état financier permettent d'obtenir plus rapidement l'information essentielle et ainsi nous amènent à établir une idée générale de la rentabilité et de la santé financière de la société sans perdre de temps.
Quant aux notes annexées aux états financiers, qui suivent généralement ceux-ci, on peut les consulter au besoin, sans aller dans le détail pour une première lecture. Lors de la lecture des chiffres, il s'avère utile de retenir par coeur le montant des revenus, des profits et de l'endettement (ou encaisse dans le cas contraire). Ces points de repère serviront pour la suite de l'étude du rapport.
Après avoir examiné les états financiers, nous aimons poursuivre avec la lettre aux actionnaires. Comme les chiffres ont été étudiés au préalable, nous avons dès le départ le contexte pour évaluer les commentaires du chef de la direction qui a rédigé la lettre. Si les chiffres déçoivent alors que la lettre semble avoir été écrite sur un ton positif, le lecteur saura très tôt qu'on tente de le mener en bateau.
La lettre aux actionnaires peut comporter des informations supplémentaires et complémentaires fort utiles, en plus de fournir des pistes quant à la façon de communiquer de la société envers ses actionnaires. Néanmoins, cette lettre contient uniquement ce que la direction veut bien y inclure. Elle peut donc s'avérer facilement biaisée. Or, on décèlera bien plus rapidement toute anomalie ou tentative d'influence en ayant déjà en tête les ''vrais'' chiffres. Par exemple, si les comptes recevables ont augmenté de façon significative par rapport aux ventes alors que le chef de la direction vante la croissance du chiffre d'affaires, un signal d'alarme devrait sonner dans l'esprit du lecteur. Ainsi, dans la poursuite de la lecture du rapport, le lecteur aura déjà cultivé une certaine méfiance envers tout ce que l'on y divulgue.
Dans le cas contraire, une direction honnête et transparente soulignera parfois elle-même ce qui peut constituer des éléments négatifs dans la société. Dans un tel contexte, lire d'abord la lettre aux actionnaires présente moins de problèmes. Dans le cas de Berkshire Hathaway, la lettre aux actionnaires forme la partie la plus intéressante du rapport selon nous. Étant donné la haute intégrité de M. Buffett, nous débutons normalement avec sa lettre. Il s'agit toutefois ici d'une exception.
Voici un autre grand avantage de lire les chiffres avant les écrits : placer les données dans leur contexte. Si un dirigeant d'une banque américaine raconte que la société a saisi des prêts à forte escompte auprès d'une institution européenne en difficulté, on peut se laisser impressionner par la valeur absolue des montants en jeu. Par exemple, il peut s'agir d'un milliard de dollars. Pour le commun des mortels, voilà un bien gros montant. Néanmoins, si le total des prêts de la banque s'élève à 300G$, on comprendra vite que cette acquisition est négligeable. Lorsqu'il évalue l'information dans son contexte, le lecteur peut jauger rapidement si la direction cherche à impressionner ses actionnaires avec des futilités.
Pour conclure, lire les états financiers en premier s'avère encore plus importants dans les communiqués de presse pour lesquels on cherche à obtenir rapidement une idée de l'évolution de l'entreprise avant d'acheter davantage d'actions ou de plutôt s'en départir. Les gros titres comportent souvent de l'information biaisée. Les dirigeants savent trop bien que beaucoup d'investisseurs se contentent de lire les grandes lignes!