La semaine qui vient de se terminer fut particulièrement laborieuse pour les investisseurs présents dans le secteur des ressources naturelles. L'annonce de l'OPEP de maintenir son niveau de production malgré la hausse de l'offre globale eut l'effet d'une douche froide sur les titres reliés au pétrole. La société Canadian Oil Sands Limited (COS.TO) annonça une réduction de son dividende de l'ordre de 43%, ce qui précipita son titre à la baisse. Étant donné la dette qui grève son bilan, elle devait démontrer une certaine prudence alors que la projection des flux de trésoreries futures ont été révisées.
Les gestionnaires qui sont fortement investis dans ce secteur connaissent une année difficile en 2014. Par exemple, la firme torontoise ''ABC Funds'' est réputée pour sa philosophie valeur, qui consiste à acquérir des actifs à une fraction de leur valeur. Son approche de base repose sur les principes édictés par Benjamin Graham. Quatre de ses cinq fonds sont investis en totalité en actions, et leurs performances pour les dix premiers mois de l'année varient entre -20% et -26%. Cela contraste grandement avec l'indice de référence. Le S&P /TSX a engendré 11% pour la même période, en incluant les dividendes. L'indice américain S&P 500 a quant à lui généré exactement le double de cette performance, en dollars canadiens.
Un secteur idéal pour l'investissement valeur?
Notons qu'à priori, le secteur des ressources se prête bien à la philosophie d'investissement valeur. La richesse d'une entreprise sera souvent chiffrée en termes de réserves prouvées et probables. Ainsi, un petit calcul rapide permet d'établir une valeur plancher, à laquelle on se fie pour créer une marge de sécurité à l'investissement. Par conséquent, ceux qui recherchent avant tout à acquérir des actifs à une fraction du leur valeur peuvent être attirés par ce genre d'entreprise.
Comme on le sait toutefois, le prix des ressources naturelles fluctue. Toute la difficulté réside dans la prévision de ces prix à moyen et à long terme. L'économiste Jeff Rubin s'est longtemps intéressé aux prix du pétrole, et il a écrit un ouvrage intéressant à ce sujet ''La Fin de la Croissance'', publié en 2012. Il établit un lien entre la croissance mondiale et le prix du pétrole. Comme la plupart des gouvernements cherchent à fouetter l'économie de leur pays afin de boucler leur budget fiscal, la demande pour l'or noir s'accroît. Cela engendre une hausse du prix, qui par ricochet, applique un frein à la croissance en diminuant le budget disponible des ménages. Donc, lorsque l'un de ces deux éléments augmente, l'autre diminue.
À moins que les citoyens de la planète se résolvent à consommer moins, étant donné notre besoin d'assister à une perpétuelle croissance économique, les prix ne peuvent qu'augmenter à long terme. M. Rubin avait prédit en 2008 que le baril atteindrait 225$ en 2012. Malgré l'évidente divergence de la réalité par rapport à cette prédiction, sa thèse n'est pas farfelue. Elle met toutefois en lumière une réalité à laquelle l'investisseur ne peut pas échapper : même si l'on a raison à long terme, on peut avoir tort à court ou moyen terme. Traduction : nous ne pouvons pas compter sur le prix des ressources pour notre marge de sécurité.
Autre facteur de risque
Lorsque vous jumelez cette réalité aux bilans et aux besoins en capitaux des entreprises qui composent ces secteurs, vous comprendrez que le risque est grandement accru. En effet, les sociétés pétrolières et de ressources naturelles doivent constamment injecter d'importantes sommes d'argent dans leurs opérations. C'est tout à fait à l'opposé des modèles d'affaires comme ceux de Visa ou MasterCard. Donc, vous retrouverez plus souvent qu'autrement de la dette dans le bilan des pétrolières, surtout si elles sont profitables (autrement, les créanciers seraient plus nerveux). Vous verrez également de l'argent en encaisse dans la plupart des cas, mais notez qu'il servira fréquemment à couvrir les dépenses en capital à survenir dans l'année en cours.
Cela ne signifie pas que vous ne trouverez pas d'aubaines dans ce secteur. On doit agir avec discernement. Un investisseur avisé tiendra compte des éléments de risque, comme les besoins en capitaux et la fluctuation du prix des ressources, afin de s'assurer qu'il obtient réellement une marge de sécurité à l'achat. Comme dans tous les autres secteurs, les mauvaises nouvelles peuvent causer des baisses exagérées sur certains titres. Ce sont ces ''anomalies'' que vous devez chercher à exploiter.
Au sujet des auteurs du blogue : Patrick Thénière et Rémy Morel sont analystes financiers et propriétaires de Barrage Capital, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com