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Il s'avère de plus en plus rare de voir un bulletin de nouvelle qui ne contient aucune mention d'un quelconque événement relié à la corruption. La Commission Charbonneau a permis de faire la lumière sur la façon dont sont octroyés les contrats, ainsi que les tactiques utilisées pour financer les partis politiques au Québec. Il se dévoile tellement de situations où la corruption sévit qu'elle en devient presque banale.
Face à un tel fléau, la population doit se demander comment elle en verra la fin. Or, au moment même où vous lisez ces lignes, la corruption qui sera dévoilée au grand jour dans 10 ou 15 ans se met en place. Si nous devions parier sur la question concernant le Québec, nous miserions sur son accroissement à long terme. Pourquoi sommes-nous si pessimistes?
La corruption se présente sous plusieurs formes, dont principalement les quatre suivantes :
1) Octroi de contrats et paiements de bénéfices de la part du gouvernement.
2) Entorse ou dérogation à une loi passée sous silence.
3) Changement d'une loi au profit d'un individu ou d'une société.
4) Accélération de la livraison d'un permis ou d'un droit quelconque.
Lorsqu'une société commet une infraction sans qu'elle soit pénalisée, il s'agit du 2e élément. Cela survient notamment lorsqu'un inspecteur ou un régulateur se voit offrir de l'argent en échange de son silence.
Une entreprise d'envergure peut aussi simplement ''faire changer'' une loi afin de rendre légal ce qui ne devrait pas l'être. On a souvent recours au terme ''lobbyisme'' pour désigner cette tactique. Cette dernière n'est pas illégale en soi. Le problème réside dans le recours à la corruption pour obtenir des résultats.
Nous nous sommes déjà faits dire que dans certains pays, les douaniers ciblaient les citoyens (par opposition aux touristes) pour effectuer des fouilles de leurs bagages afin d'y prendre un objet qui les intéresse. Si le citoyen conteste, on procède à une fouille plus sérieuse et on tente de déceler la moindre effraction possible.
Dans ces mêmes pays, on doit payer l'évaluateur lors de son examen de conduite afin d'obtenir la note de passage. Et lorsque vient le temps de renouveler son permis de conduire, d'autres pots-de-vin deviennent nécessaires, faute de quoi la procédure devient longue et pénible.
La corruption se retrouve partout dans le monde, mais quel élément commun peut-on relever dans toutes ces situations? Il s'agit de l'octroi du pouvoir à des personnes qui représentent un groupe de personnes important. Par conséquent, tout étant égal par ailleurs, plus un gouvernement est gros, plus les situations propices à la corruption seront nombreuses.
On pourrait tenter de corriger la situation en ajoutant davantage de contrôle. Prenons un exemple très simplifié avec Luc, Paul et Pierre. Luc surveille le budget d'une certaine ville. Ayant le pouvoir de dire si tout va bien ou non, il se fait approcher par une puissante organisation qui lui fait comprendre qu'il n'a pas intérêt à refuser l'enveloppe qu'on veut lui offrir. Luc commet donc un acte de corruption ''passive'' en acceptant l'enveloppe, alors que l'organisation fait de la corruption ''active'' en donnant de l'argent de façon illicite.
Lorsqu'on découvre ce problème, on pourrait décider de changer Luc pour Paul. Mais Paul pourrait lui aussi succomber à la pression de l'organisation. Donc, on décide d'engager Paul afin de surveiller Luc. Qu'arrive-t-il? La fameuse organisation se tourne maintenant vers Paul, puisque c'est lui qui détient le pouvoir, et qui plus est, ce dernier s'est accru. Plus d'individus et de processus se traduit souvent par davantage de pouvoir en bout de ligne.
Si l'on s'aperçoit que Paul trempe également dans la corruption, on songera peut-être à engager Pierre afin qu'il surveille Paul, qui lui surveille Luc, qui lui surveille le budget.
Il nous apparaît évident que toute tentative de rendre plus complexe les lois et notre système de surveillance s'avère inutile. Les agents de la corruption ''active'' savent où se tourner pour influencer les bonnes personnes.
Dans un tel contexte, comment enrayer le problème? Nous pensons que la corruption existera toujours. Toutefois, on peut réduire le pouvoir que l'on concède à des groupes d'individus. Autrement dit, les agents de corruption active n'auront plus personne ou presque à corrompre s'il n'y a personne à qui remettre des enveloppes.
Certes, on ne peut pas vivre dans une société sans gouvernement, mais on peut minimiser le rôle de celui-ci dans la gestion de nos vies. Comme nous assistons plutôt à un accroissement de la taille du gouvernement au Québec, année après année, nous prévoyons également une augmentation de la corruption à long terme. En ce moment même, la corruption qui sera découverte dans bien des années est en train de se former. Étant donné toute l'attention des médias sur le sujet, les participants aux activités illicites devront faire preuve de subtilité et de meilleures stratégies afin de rester discrets.
Pour assister à une diminution du phénomène, il faudrait que tous les gens de la population adhèrent soudainement à des valeurs d'intégrité très prononcées. Malheureusement, il ne faut que quelques individus aux valeurs quelque peu différentes pour que le problème persiste. Par conséquent, nous miserions plutôt sur la baisse du nombre de situations constituant des opportunités de corruption, c'est-à-dire, une réduction de la taille de l'état.
Au sujet des auteurs du blogue : Patrick Thénière et Rémy Morel sont propriétaires de Barrage investissement privé, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com