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Il arrive fréquemment que le succès d'un investisseur ou d'un gestionnaire soit attribué à l'intuition ou l'instinct, que l'on pourrait appeler plus communément ''le pif''. Plusieurs situations peuvent amener un observateur à penser qu'il possède une bonne intuition. Le plus populaire de ces moments constitue probablement la vente de tout un portefeuille d'actions peu avant une sévère correction. Mais souvent, seul le fait d'acheter un titre quelconque avant une montée significative portera beaucoup d'investisseurs à croire que le moment était bien choisi, bien calculé.
En l'absence d'éléments rationnels, on aime avoir recours à des explications que nous pourrions qualifier d'ésotériques, comme s'il existait un don ou un 6e sens que seuls certains individus possèdent. Pourquoi en est-il ainsi? Tout simplement parce que le facteur ''chance'' joue un grand rôle à court terme à la bourse. Lorsque l'on acquiert un titre qui bondit de 30% quelques jours plus tard, comment résister à la tentation de trouver une explication quelconque ou de tenter de répliquer un tel événement afin d'en bénéficier? Dans bien des cas, un titre qui grimpe de 30% en peu de temps influence le rendement global du portefeuille. Et surtout, une telle appréciation fait naître l'envie de rêver qu'il soit possible de détenir en portefeuille uniquement des titres dont le prix est sur le point d'exploser.
Nous ne connaissons aucun gestionnaire possédant le fameux ''pif'' tant convoité. En revanche, il existe toujours quelques gestionnaires qui bénéficient de cette réputation jusqu'au jour où ils la perdent. John Paulson pourrait figurer parmi eux. Avant le fracassement des prêts ''subprimes'', il avait parié sur l'effondrement de ces derniers. Le succès de ce pari contribua à sa réputation. Certains investisseurs ont dû vite conclure que M. Paulson jouissait d'une intuition hors du commun pour déceler des situations gagnantes.
Quant à nous, nous interprétons les faits autrement. Ce que nous admirons chez M. Paulson, ce n'est pas sa capacité à prédire l'avenir, mais plutôt la qualité de son pari. On se rappellera que l'instrument financier choisi lui permit d'obtenir la situation enviable suivante : ''pile, je gagne gros ; face, je perds peu''. Si au contraire, les prêts ''subprimes'' avaient continué de bien performer, nous n'aurions jamais entendu parler de ce beau pari. Pourtant, il serait resté tout aussi admirable puisque les risques de pertes s'avéraient ridicules en comparaison aux possibilités de gains. Tout récemment, M. Paulson a attiré l'attention des médias avec son investissement dans Sino-Forest. Selon nous, sa perte avec ce titre causa davantage de déboires à sa réputation qu'à ses performances. Si plusieurs personnes croyaient aux vertus miraculeuses du ''pif'', elles doivent se demander maintenant pourquoi ce même ''pif'' tomba en panne dans le cas de Sino-Forest. En ce qui nous concerne, ce mauvais investissement n'enlève absolument rien à la qualité de son pari contre les ''subprimes''.
Tout demeure une question de probabilités. Les meilleurs gestionnaires à long terme performent mieux, car les lois de la statistique finissent par triompher. Pour trouver ces fameuses situations où les statistiques nous avantagent, on doit chercher et étudier beaucoup de possibilités ou d'idées d'investissement. Observons le cas de Bank of the Ozarks, une banque située en Arkansas, qui s'est emparée des actifs et des dépôts de 7 banques en faillite. Lorsque qu'une institution bancaire éprouve de sérieuses difficultés, elle peut être fermée à tout moment par la FDIC (Federal Deposit Insurance Corporation). Afin de récupérer le plus d'argent possible, la FDIC accepte les offres d'autres institutions pour vendre les actifs des banques fermées. La direction de Bank of the Ozarks a réussi à saisir sept d'entre elles à des prix avantageux, ce qui créa des gains dans ses résultats. Pour y arriver, la direction cherche activement. Depuis 2010, elle a tenté sa chance à plus de 50 reprises, en prenant soin de toujours offrir un bas prix. Ainsi, elle s'assure de rendre ses acquisitions très profitables.
Cet exemple démontre qu'il faut étudier beaucoup de situations, et ne retenir que les meilleures. Plus on regarde, plus les chances de trouver un investissement où les statistiques nous avantagent sont élevées. De cette façon, il n'est pas nécessaire de miser sur le ''pif'' pour réussir! Il s'agit simplement de travailler avec acharnement.
P.S.: Voir un autre de nos blogues sur le même sujet.