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Cette semaine nous avons reçu un appel d'un investisseur inquiet qui s'interrogeait par rapport à l'avenir des États-Unis. On ne cesse point de discuter du problème de leur dette dans les médias. Et parfois, l'information qui y est véhiculée peut être mal perçue. En effet, cet investisseur pensait que nos voisins du sud s'apprêtaient à faire faillite.
Tout d'abord, on doit distinguer un défaut de paiement d'une faillite. Si on vous prête 1$, et que vous décidez de ne pas le rembourser, êtes-vous en situation de faillite? Cette question s'avère absurde, mais si les américains manquaient éventuellement quelques paiements, ce serait une question de choix. Les États-Unis possèdent leur propre devise. Ils peuvent en imprimer autant qu'ils le désirent. C'est un peu comme un jeu de Monopoly où vous auriez l'extraordinaire chance de pouvoir photocopier autant de monnaie que vous le souhaitez.
Certes, des conséquences fâcheuses sont à prévoir. Dans le cas du jeu de Monopoly, les autres joueurs deviendraient irrités. Ils cesseraient immédiatement de jouer. Mais s'ils ne connaissaient pas votre extraordinaire pouvoir et qu'en tant que joueur responsable vous vous efforciez de faire circuler les liquidités et les actifs parmi tous les joueurs, de nombreuses liquidités inonderaient le jeu. Si tout le monde possède plus que l'argent nécessaire pour acquérir un bien, les vendeurs doivent et souhaitent ardemment augmenter leur prix. C'est un peu comme pour les actions. Si on détient beaucoup d'argent et qu'on souhaite s'emparer d'un titre, ce dernier s'élève à un prix d'équilibre entre le désir vorace des acheteurs, et l'acceptation des vendeurs à se départir de ces actions.
Lorsque les joueurs sont témoins de fortes augmentations de prix, ils s'inquiètent de la valeur future de la monnaie. Par conséquent, ils tentent d'élever constamment les prix afin de se protéger contre des hausses futures. On obtient un cercle vicieux. Lorsque l'inflation atteint des niveaux importants, il devient difficile de la contrôler. Il s'agit du risque auquel sont confrontés les américains.
Nous avons mentionné un peu plus haut que si un joueur du Monopoly détenait le droit de créer autant d'argent qu'il le désire, les autres joueurs cesseraient de jouer. Dans le vrai monde, les autres joueurs ne cessent pas de jouer, même s'ils sont conscients de cet étonnant pouvoir. Le Japon a pendant longtemps hypothéqué son niveau de vie au profit des américains, en acceptant de se faire payer en dollars US, pour voir ensuite la valeur de ses énormes réserves de monnaie étrangère s'effriter avec un rééquilibre des taux de change. On peut critiquer ouvertement les américains de profiter de cet ultime avantage. Mais qui devrait-on blâmer? Celui qui tire avantage d'une situation ou celui qui accepte volontairement et en toute connaissance de cause de se prêter à ce petit jeu?
Pour évaluer les chances de défaut d'un pays, on doit d'abord observer s'il possède sa propre devise. Ce n'est pas le cas de la Grèce, de l'Italie, de l'Irlande, de l'Espagne et du...Québec! C'est pourquoi on ne peut pas utiliser le ratio de la dette totale sur le produit national brut pour fins de comparaisons d'un pays à l'autre. Au Canada, le pays lui-même jouit de l'avantage de la devise. Cependant, on ne peut en dire autant de ses provinces. C'est pourquoi la dette canadienne représentera toujours moins de risques que la dette québécoise, si elles affichent des niveaux d'endettement équivalent (ce qui n'est pas le cas, le Québec étant plus endetté en pourcentage de son produit national brut).
Les grandes inquiétudes de l'investisseur qui communiqua avec nous ont été alimentées principalement par les menaces de décotes de la part des agences de notation S&P et Moody's. Cependant, on doit connaître dans quel contexte ces agences agissent. Pendant longtemps, elles ont octroyé leur meilleure note à un pays qui s'endette de plus en plus. Un défaut de paiement de la part des États-Unis enverrait un très mauvais signal aux investisseurs qui comptent sur les revenus de leurs investissements. On remettrait certainement en question la validité des cotes de crédit des agences. C'est pourquoi elles utilisent leur seule arme pour prévenir une situation qui leur serait fort déplaisante : la menace.
Sur un sujet un peu différent, voici notre interprétation du contexte actuel. En réalité, tout le débat de la dette américaine repose sur les négociations entre le parti républicain et le parti démocrate. Ce dernier souhaite hausser le plafond de la dette qui est actuellement fixé à 14,3 T de dollars, qui sera vraisemblablement atteint en début du mois d'août. Les républicains savent fort bien qu'on doit élever le plafond. Obama n'enraiera jamais un déficit d'environ 1,5 T de dollars en quelques semaines! Cependant, refuser d'accorder cette hausse augmente significativement le pouvoir de négociation du parti qui tente par tous les moyens de faire réduire le déficit. Les républicains n'ont pas avantage à céder rapidement, car il s'avèrerait très difficile d'obtenir des concessions de la part des démocrates par la suite. Autrement dit, nous assistons à un simple jeu de bras de fer entre les deux partis. Et vous vous en doutez sûrement, ce jeu inquiète grandement les agences de notation qui pourraient perdre la face. Alors on utilise la menace, et elle est perçue comme étant une catastrophe par bien des investisseurs.
Nous constatons toujours que ces investisseurs confondent un pays avec ses entreprises. Comment un problème de dette nationale peut-il affecter des multinationales américaines comme Mastercard, Google ou Johnson & Johnson pour n'en nommer que quelques exemples, dont une part importante des revenus provient de l'étranger? Nous ne citons ici que trois entreprises, mais il en existe beaucoup d'autres. Si vos sociétés en portefeuille ne détiennent pas de dettes américaines, et qu'elles ne sont nullement reliées à l'endettement du pays, vous ne devriez pas être inquiets. Nous trouvons triste le fait que bien des gens achètent des titres bien plus chers ou risqués au Canada, uniquement parce qu'ils craignent un problème qui risque d'avoir peu d'impact sur les titres qu'ils s'efforcent d'éviter!