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Aux États-Unis, une menace semble planer au-dessus de leur économie. Le plafond de leur dette, qui constitue la limite maximale que l'on peut emprunter, sera atteint très bientôt. C'est alors que l'on se met à spéculer sur les conséquences possibles d'un éventuel manquement à ses obligations. Pourtant, cette limite a été augmentée en février 2010, alors qu'elle est passée de 12400G$ à 14300G$. En 10 ans, elle été haussée 10 fois! C'est à se demander à quoi sert une limite si on peut la repousser à volonté?
La fameuse limite devra être révisée en août, faute de quoi les États-Unis tomberaient en situation de défaut de paiement. La firme d'agence de notation S&P a servi tout un avertissement le 30 juin dernier lorsqu'elle annonça publiquement qu'elle tronquerait la cote de crédit des États-Unis de AAA à D en cas de non-paiement. Vous arrivez à imaginer un changement aussi drastique? Du jour au lendemain, une obligation qui jouit de la meilleure cote qui soit peut être considérée comme un investissement médiocre. On justifie un changement aussi drastique uniquement en fonction des décisions du gouvernement de retarder ou non les paiements!
Cette réaction de la part de S&P nous en dit long sur la façon d'évaluer une obligation. Ce n'est pas le niveau d'endettement qui compte, mais uniquement les paiements à court terme. Autrement dit, un pays peut s'endetter à outrance, pourvu qu'il effectue ses paiements à temps. Évidemment, la principale menace pouvant affecter les paiements futurs est bien connue. Il s'agit du total de la dette. Plus cette dernière correspond à un niveau élevé par rapport aux revenus du pays, plus il s'avèrera difficile de poursuivre les paiements. Mais un investisseur qui se fie aux cotes émises par les agences de notation s'en trouvera bien mal guidé dans ses décisions. Les pays ont tendance à conserver les meilleures cotes jusqu'au jour où le niveau d'endettement devient insoutenable. Lorsque ce fameux jour survient, il est trop tard : l'investisseur doit accuser de lourdes pertes.
On pourrait tirer la conclusion que les agences de notation ainsi qu'un grand nombre d'investisseurs d'obligations pensent que l'argent pousse dans les arbres! Dès qu'il s'agit d'un pays, on entrevoit le concept de l'infini. D'où viendra l'argent dans le futur? Peu importe, puisqu'il s'agit d'un pays, pour lequel le pouvoir de taxation résoudra tous les problèmes financiers!
Warren Buffett avait bien raison de se plaindre durant la crise, alors que certaines compagnies bénéficiaient des garanties du gouvernement pour leur dette. Alors que la prudence était de mise chez Berkshire, certaines sociétés ont pu émettre des titres de créance avec de meilleures cotes de crédit. Pourtant, si nous nous fions à l'opinion publique, la situation financière n'est-elle pas davantage préoccupante chez le gouvernement américain que chez bien des entreprises gérées de façon conservatrice?
La situation prévaut également lorsque l'on compare les obligations corporatives aux obligations du trésor américain. Berkshire Hathaway a émis des titres de créance 10 ans qui offraient des taux supérieurs d'environ 1% en janvier 2011. Pour certains, 1% peut sembler une mince prime, mais comparativement aux taux actuels, il s'agit de paiements d'intérêts de 20 à 25% plus élevés. Au moment de cette émission, la cote de crédit de Berkshire s'élevait à AA+, comparativement à AAA pour les États-Unis. Berkshire est-elle vraiment plus risquée?
Nous ne sommes pas en train de dire que les obligations corporatives représentent moins de risques pour les créanciers. Bien au contraire, une obligation choisie au hasard peut apporter de bien mauvaises surprises. Cependant, il nous apparaît clair que l'on ne peut pas se fier sur les agences de notation pour effectuer un choix éclairé. Sans les obligations gouvernementales, le monde entier se porterait mieux. Les pays ne s'endetteraient point, et les investisseurs qui désirent un revenu fixe auraient un minimum d'efforts à consacrer pour sélectionner leurs placements. Chacun d'entre eux découvrirait d'où proviennent les intérêts qu'il perçoit en consultant (ou en demandant à son comptable de le faire) un rapport annuel en peu de temps. Les sociétés profiteraient d'un meilleur environnement pour le financement, et bien des investisseurs et institutions cesseraient de penser que l'argent pousse dans les arbres.
Qu'en pensez-vous?