Si vous vous promenez sur le trottoir, et que vous apercevez un billet de 100$ pris entre deux branches d'un bosquet, que faites-vous? Vous le saisissez? Certains investisseurs pourraient simplement passer sans agir, sous prétexte qu'il s'agirait d'un gain à court terme!
Notre exemple verse dans l'ironie, mais c'est l'impression qui nous vient à l'esprit lorsqu'un investisseur insiste sur la détention à long terme des titres et que tout le reste équivaut à de la spéculation. Utilisons le cas de General Motors (GM-N). Cette société oeuvre dans un secteur qui requiert beaucoup de dépenses en capital et qui est en proie aux cycles économiques. Les marges sur les voitures vendues sont faibles, et la compétition abonde. En toute logique, nous devrions éviter ce genre de société si nous avons une vision à long terme.
Or, nous prônons les deux. S'il s'avère plus aisé pour nous de faire du rendement en visant un horizon plus ou moins long par opposition à ''très long'', nous opterons pour le premier. Dans le cas contraire, nous choisirons le deuxième. La décision repose sur la qualité des opportunités que nous dénichons, en tenant compte du risque.
Observez les titres à la Bourse. Vous remarquerez que les variations affichent des amplitudes si élevées que vous en conclurez nécessairement que les prix fluctuent plus rapidement que la valeur de l'entreprise sous-jacente au titre. Si par exemple, un titre s'apprécie de 7% en une journée simplement parce qu'un analyste est devenu soudainement optimiste (le plus souvent, à retardement), on sait bien que ce que pensent les autres n'a en rien influencé la valeur de la société. Donc, l'acheteur qui vous offre tout à coup 7% de plus sans raison vous offre littéralement un rendement en échange de... rien.
General Motors: pas le long terme
Revenons à General Motors. Nous l'aimons à court ou moyen terme, mais pas à long terme. Contradiction? Si vous nous demandez où sera rendue l'entreprise dans 10 ans, nous n'en avons aucune idée. D'ici là, les voitures électriques auront peut-être envahi le marché, sans parler des voitures qui se déplaceront sans chauffeur. Difficile de savoir à quoi ressemblera l'industrie dans l'avenir avec un changement aussi significatif. Nous savons par contre que le montant auquel nous avons acquis le titre se trouve bien en-deçà de l'estimé actuel que nous lui avons attribué.
Cette société affiche un excellent bilan, ce qui contraste avec la situation financière qui prévalait avant la crise. La restructuration entreprise par le gouvernement en 2009 a permis l'assainissement de leurs finances, incluant entre autres un allègement des passifs liés aux bénéfices post-retraites des fonds de pensions. Quant à la profitabilité, elle est appelée à augmenter, grâce à l'amélioration de l'économie américaine ainsi que la bonne gouvernance de la dirigeante Mary Barra. En prime, le bas prix de l'essence stimule la vente de camions légers, dont les bénéfices constituent une part importante chez GM.
Tous ces éléments sont passagers. Dans 5 ou 10 ans, la situation aura changé. L'économie pourrait connaître une récession dans le futur. Mme Barra quant à elle aura terminé d'améliorer les bénéfices, et son objectif à long terme sera probablement atteint. Quant à l'essence, peut-être que l'électrification la rendra inutile dans le monde du transport!
Et que dit Warren Buffett?
Certes, Warren Buffett a l'habitude de dire qu'il aime acheter pour ensuite ne jamais vendre. Cela influence sûrement beaucoup d'investisseurs. Toutefois, Berkshire Hathaway (BRK.A-N) détient le titre de GM. Entre autres, l'un des deux gestionnaires qui prendront la relève, Ted Weschler, aurait acquis le titre à environ 22$ en 2014, pour en revendre un peu plus tard à 36$. En outre, la position dans ce titre a augmenté au dernier trimestre, démontrant leur intérêt accrû envers le titre. Nous soupçonnons fortement le caractère à court ou moyen terme de cet investissement! Pour les intéressés, nous avions discuté du titre dans notre dernière lettre (cliquer ici pour y accéder).
En conclusion, vous devez être patient en Bourse, et chercher à investir à long terme. Vous devez toutefois faire preuve de jugement. Lorsque la Bourse vous offre des cadeaux, ne refusez pas sous prétexte qu'il faut s'en tenir à des positions à long terme. Ne versez pas non plus dans l'opposé. Le ''day trading'' utilise fréquemment des critères d'investissement qui n'ont rien à voir avec l'analyse fondamentale.
Au sujet des auteurs du blogue : Patrick Thénière et Rémy Morel sont analystes financiers et propriétaires de Barrage Capital, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com