Sur la côte ouest des États-Unis ces temps-ci, la hausse du salaire minimum figure fréquemment dans les discussions politiques. Il y a environ trois semaines, la ville de Los Angeles fit le grand saut, annonçant une hausse du revenu minimum à 15$. Il s'agit ici d'une augmentation de 67%, qui s'étalera graduellement d'ici à l'an 2020. Notons qu'une année supplémentaire serait accordée aux entreprises de 25 employés ou moins.
Alors que plusieurs villes américaines sont allées de l'avant, dont Seattle dans l'état de Washington, les gens ont tendance à se ranger dans un des deux camps. Nous avons ceux qui croient que cette mesure contribuera à aider les moins nantis, comme le maire de Los Angeles, Eric Garcetti. Comme les estimés du nombre d'emplois au salaire minimum de sa ville oscillent autour de 40%, on peut comprendre son penchant pour ce camp! Dans l'autre camp, nous y retrouvons ceux qui tentent d'évaluer les conséquences à long terme. Le principal inconvénient proviendrait de la diminution du nombre total d'emplois, tant par une réduction d'embauche des employeurs que par l'exode d'entreprises dans les villes où le salaire minimum est moindre.
Ce qu'en pense Warren Buffett
Ce qu'en pense Warren Buffett
Mais qu'en pense Warren Buffett, qui a réitéré à plusieurs reprises que les riches devaient payer davantage d'impôts?
Il a écrit à ce sujet, en mai dernier, le plaçant hors de tout doute dans le deuxième camp: ''Toute augmentation réduirait presque assurément l'emploi de façon importante.'' Connaissant la prudence avec laquelle il mesure normalement ses mots, il s'agit d'un commentaire assez catégorique! Il s'est gardé une petite porte de sortie en mentionnant ''presque''. Il en a rajouté cependant en disant ''de façon importante''.
À n'en point douter, au début de l'adoption d'une importante hausse, les employés vivent sûrement une certaine euphorie. Qui n'aiment pas les augmentations? Toutefois, l'économie se réajustera en conséquence. Si les prix montent, le salaire minimum devra augmenter à la même vitesse pour ne pas se retrouver dans la même situation dans cinq ou dix ans. Si ce revenu est indexé au coût de la vie, vous pouvez imaginer facilement la spirale inflationniste que cela pourrait inciter, à moins que cela ne cause une perte importante d'emplois. Donc, deux scénarios seraient envisageables: une hausse des prix ou une diminution du nombre total d'emplois. Simple question de mathématiques.
Personnellement, nous pensons que le déséquilibre de rémunération entre les emplois provient surtout de l'offre et de la demande. Pour certains postes, trop de travailleurs appliquent. Alors que le prix (ici, le salaire) devrait normalement s'ajuster à la baisse face à cette demande, on vise plutôt à faire tout à fait le contraire. Il en résultera encore une plus grande demande au bout du compte, et beaucoup de travailleurs ne chercheront plus à s'instruire davantage pour obtenir les autres postes pour lesquels la main-d'oeuvre qualifiée s'avère plus rare.
Les employeurs gagnent-ils trop d'argent?
Les employeurs gagnent-ils trop d'argent?
Si certains employés pensent que leur employeur détient les moyens financiers pour augmenter sa masse salariale de 50% en peu de temps, ils devraient alors faire pression sur le gouvernement pour soutenir davantage le démarrage de petites entreprises. Ainsi, plusieurs employés pourraient se lancer en affaires, et ainsi rafler une part du gigantesque profit que leur patron gagne. Le gouvernement pourrait intervenir en leur facilitant l'accès aux études menant aux connaissances nécessaires pour réussir, et en leur octroyant ensuite des prêts à conditions avantageuses pour les aider à démarrer. Si les petites entreprises font autant d'argent qu'on semble le croire, pourquoi chercher à gagner 15$ de l'heure quand on peut se créer une rémunération bien plus significative autrement?
Qu'en est-il des grandes entreprises générant des milliards de dollars? Pour plusieurs d'entre elles, comme Wal-Mart (NY, WMT, 73$), il serait tentant de conclure qu'elles ont les reins assez solides. Nous devons souligner que leur modèle d'affaires repose avant tout sur une faible rémunération des employés. Notons également que la clientèle visée s'avère fort différente de celle du détaillant Costco (NY, COST, 139$), dont les employés gagnent un bien meilleur salaire horaire. La question revient donc à se demander si l'on veut voir les ''Walmart'' de ce monde disparaître, pour n'obtenir que des ''Costco''? Admettons que ce soit le cas: les salaires s'amélioreraient, mais nous devrions accepter une diminution du nombre d'employés que nous estimons à entre 35% et 55%. En effet, pour chaque 1,000,000$ de vente, Walmart emploie entre 2 et 3 employés contre environ 1,3 pour Costco. La grande disparité de notre calcul pour Walmart provient du fait que nous n'avons pas la ventilation ''plein-temps''/''temps partiel''. Nous avons donc utilisé une large fourchette.
Il n'existe donc pas de recette miracle. Si le seul fait d'augmenter le salaire minimum réglait tous nos problèmes, pourquoi ne pas le fixer dès maintenant à 30$ de l'heure? Bref, qu'en pensez-vous? Cette question constitue-t-elle un simple enjeu politique, ou pensez-vous plutôt qu'augmenter les salaires améliorera certainement le sort de la collectivité?
Au sujet des auteurs du blogue: Patrick Thénière et Rémy Morel sont analystes financiers et propriétaires de Barrage Capital, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com