BLOGUE. Nous connaissons tous la fable de Jean de la Fontaine : la Cigale et la Fourmi. Pendant l'été, la fourmi s'affaire à s'approvisionner en prévision de l'hiver. Si elle n'effectue pas cette importance tâche, sa survie sera remise en question. On sait bien pourquoi l'hiver s'avère peu propice à la recherche de nourriture. L'été constitue donc le seul temps opportun pour amasser les provisions nécessaires. Le meilleur moment pour négocier ses emprunts à la banque, c'est lorsqu'on n'a pas besoin d'argent. La fourmi cumule donc des provisions à un moment où elle ne sont point nécessaires dans l'immédiat.
En politique toutefois, la leçon de notre fable devient difficilement applicable. Meredith Withney mentionne dans cet article (cliquer ici pour le visualiser) que certains états américains ont bénéficié de revenus élevés lors des années fastes, pour ensuite manquer cruellement de liquidités lorsque le temps se gâte.
Qu'arrive-t-il lorsque le prix des maisons s'apprécie? Comme on s'en doute, les comptes de taxe augmentent. Il s'ensuit des surplus budgétaires (ou des pertes moindres, selon les cas). Ces nouveaux revenus deviennent la norme, et l'on base les projections en prenant pour acquis que ces recettes additionnelles seront toujours présentes. Devant tant d'abondance, on n'hésite point à recourir à l'emprunt pour dépenser davantage.
D'un point de vue politique, le manque de planification à long terme se comprend aisément. Lorsqu'un candidat souhaite se présenter aux élections, il basera ses promesses sur l'état actuel des recettes publiques. En cherchant à donner le maximum que le trésor public peut offrir à la population, il attirera des votes. Qui souhaite entendre que l'on devrait couper dans les services en prévision d'une éventuelle récession?
Les emprunts publics posent également un problème quant à la perception des investisseurs : on les croit nécessaires à une bonne gestion de portefeuille. Les obligations considérées les plus sécuritaires résident justement dans les dettes gouvernementales. Ainsi, un individu souhaitant percevoir des intérêts sans trop se soucier du risque de crédit optera pour des obligations d'un pays, d'un état ou d'une municipalité. Cette demande constante pour les instruments de crédit crée un statut de ''permanence'' à des véhicules financiers qui devraient en réalité être ''temporaires''.
Ainsi, on trouve tout à fait naturel le fait que la plupart des nations émettent de la dette sur une base régulière. Les pays jugés les plus sécuritaires versent des intérêts plus faibles à leurs créanciers, encourageant par le fait même la création perpétuelle de nouveaux emprunts publics. Pourquoi la cigale imiterait-elle la fourmi pensant qu'au prochain hiver on lui prêtera des provisions à des conditions favorables?
On voit donc qu'il existe deux grandes forces favorisant l'absence d'accumulation de réserves et l'accroissement de l'endettement public même lorsque tout va bien : l'intérêt des politiciens et l'appétit insatiable des investisseurs pour les obligations gouvernementales. Devant de telles forces, il est extrêmement difficile d'imaginer qu'un jour une majorité de nations fasse preuve de discipline. La tendance à la dépense demeurera donc importante.
Mettre des réserves de côté durant le beau temps s'avère crucial pour réussir financièrement sur le plan personnel. Au plan gouvernemental toutefois, pour qu'une telle discipline soit observée, il nous faudrait l'appui des électeurs ainsi que l'abstention des investisseurs pour la dette publique. Un scénario qui n'est pas près de se produire!
Au sujet des auteurs du blogue : Patrick Thénière et Rémy Morel sont propriétaires de Barrage investissement privé, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com