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Si vous avez investi de l'argent en mars 2009, vous avez sûrement frappé dans le mille. Les indices boursiers ont fortement rebondi depuis cette date. Le S&P 500, par exemple, est passé de 676 à environ 1275 aujourd'hui. Si un individu qui se contente d'investir passivement dans l'indice arrive à gagner autant d'argent en si peu de temps, que penser d'un investisseur qui procède à une sélection rigoureuse de titres? Ne devrait-il pas faire beaucoup mieux?
Nous pensons que les rendements en situation de crise peuvent être trompeurs. Deux bonnes raisons expliquent ce fait :
- les entreprises lourdement endettées sont les plus pénalisées lorsque tout va mal;
- la recherche d'une marge de sécurité proscrit la plupart des titres lourdement endettés.
Revenons en arrière, au temps où le monde était sur le point de s'effondrer, en 2008 et au début de 2009. Le chômage grimpait en flèche, plusieurs institutions peinaient à garder le cap, d'autres étaient menacées de disparaître. On discutait beaucoup de privatisation de plusieurs banques par le gouvernement. Bref, le pessimisme avait atteint son paroxysme. La menace de la déflation pesait lourd. L'indice américain S&P 500 avait clôturé la journée du 9 mars 2009 à 676. L'économie se détériorait tellement rapidement qu'il n'était pas impensable de continuer de voir chuter cet indice. Nous n'avions aucune garantie qu'il n'atteindrait pas les 300 points.
Lorsque les indices chutent de la sorte, un investisseur devrait toujours garder la tête froide. Des titres moins chers signifient que de meilleures aubaines sont disponibles. Cependant, nous ne pouvons nier que nous expérimentions une crise très grave, dans laquelle le financement avait gelé un peu partout. Lorsqu'il est impossible d'emprunter, beaucoup d'entreprises se tournent vers le financement par actions. Comment peut-on financer efficacement une entreprise si les actions s'effondrent soudainement de 50 ou 75%?
Dans ce contexte, nous pensons qu'il était très imprudent de prendre des risques avec les compagnies endettées (nous le pensons toujours, mais c'était encore plus important à l'époque!). Un bel exemple serait Garda World Security (GW-T). Le titre s'est transigé à environ 1$ pendant un bout de temps. Aux états financiers du 31 octobre 2008, le bilan comportait une dette nette de 614M$ contre un avoir des actionnaires de 165M$ (valeur négative de 387M$, si on retranche les intangibles). Que se serait-il passé si l'économie s'était détériorée davantage? Nul ne le sait, car au contraire, le vent a tourné. Le titre a décuplé!
Par conséquent, un individu qui se questionnerait à savoir pourquoi les indices, depuis mars 2009, ont fait mieux que certaines compagnies solides comme Microsoft, pourrait également se demander s'il n'aurait pas été préférable d'acheter Garda World à 1$ plutôt que les indices. Nous avons personnellement vécu un dilemme similaire avec les titres American Express (AXP) et Wells Fargo (WFC). Nous aurions pu acquérir ces titres à 10$ et 8$ respectivement. Cependant, nous étions incapables d'évaluer la marge de sécurité. Si le pire scénario survenait, nous pouvions envisager un prix presque nul pour ces titres. American Express possédait certes de belles qualités : une marque de commerce solide, une direction compétente, un rendement sur l'équité exemplaire (avant la crise). Cependant, le niveau de la dette ne nous permettait pas d'affirmer que peu importe ce qui arrive, la compagnie allait survivre. Quant à Wells Fargo, les rumeurs de nationalisation nous forçaient à envisager un prix de 2 ou 3$ en cas de forte dilution du titre. Le gouvernement méditait sur la possibilité de prendre une importante participation dans les grandes banques, afin d'éviter la catastrophe.
Avec un titre comme Microsoft par contre, nous bénéficions d'une certaine marge de sécurité. L'entreprise détenait une forte encaisse. Certes, les profits auraient été affectés en cas de déflation, mais l'encaisse se serait appréciée, puisque la déflation augmente la valeur de l'argent. Bref, nous étions moins inquiets pour la survie de Microsoft, que pour celle d'American Express, Wells Fargo ou Garda World. Mais si nous omettons le facteur ''risque'' pour ces titres, on constate la désolante différence dans les rendements si nous les avions achetés : 330%, 300% et 870% respectivement contre 55% pour Microsoft!
Par conséquent, un gestionnaire peut battre le marché tout au long d'une crise, si on calcule les rendements à partir du début de la crise ou avant celle-ci, puisque ses titres solides sont moins affectés lors de la baisse. Mais utiliser les rendements des 2 ou 3 dernières années comme point de départ fausse la donne, puisque le niveau des indices boursiers a atteint des creux importants suite à la chute des titres les plus risqués.
Conclusion? Une approche prudente donne de meilleurs résultats à long terme, mais pas à tous les ans. Faire fi des creux et des sommets demeure essentiel. Autrement, nous restons dans le territoire de la spéculation.