BLOGUE. Il arrive fréquemment que l'on ait recours aux jeux de simulations boursières afin d'initier les jeunes et moins jeunes à la bourse. Habituellement, on établit une période de temps bien définie, qui dans bien des cas, peut s'étaler de deux à six mois. Puis, on offre aux participants de choisir parmi un nombre de titres bien précis. Dans d'autres cas, tous les titres des bourses nord-américaines peuvent être sélectionnés. Personnellement, nous préfèrerions avoir un vaste choix de titres. Nous serions bien malheureux si nous étions confinés aux titres canadiens à l'heure actuelle!
Or, notre critique vis-à-vis ce type de jeu concerne l'horizon temporel. Plus la période couverte est courte, plus la chance joue un rôle majeur dans les résultats! Nous pensons qu'une période de cinq ans s'avère souvent le temps minimum requis afin d'écarter une grande partie du facteur ''chance''. Il existe des situations où même sur dix années, le hasard peut laisser ses traces. Imaginez alors un horizon aussi court que quelques mois!
Prenons le titre de MasterCard, qui nous a permis d'obtenir de bons rendements dans nos portefeuilles ces 18 derniers mois. Si le jeu avait débuté en novembre 2010, pour se terminer en avril 2011, le rendement aurait été nul. Bien sûr, le titre a grimpé par la suite, mais le jeu s'arrête à une date bien précise. Si Warren Buffett avait participé à un tel jeu en 1973, et qu'il avait principalement misé sur un de ses meilleurs titres à long terme, soit la société ''Washington Post'', aurait-il pu gagner? Voici les achats effectués :
Février 1973 : 18 600 actions à 27.00$
Mai 1973 : 40 000 actions à 23.00$
Septembre 1973 : 87 000 actions à 20.75$
L'effondrement du prix du titre lui permit d'accumuler une position importante. Toutefois, dans le cadre d'une simulation boursière à court terme, sa performance aurait pu être surpassée simplement par un joueur qui aurait décidé de conserver son argent en encaisse ou de spéculer sur un titre jugé plutôt ''défensif'' durant le tumulte boursier de 1973-1974.
Lorsque nous commençons à investir dans un titre, il nous arrive fréquemment de souhaiter qu'il baisse, afin d'avoir la chance d'en acheter davantage à meilleur prix. Mais comment développer une telle attitude s'il faut performer à court terme?
Dans le cas contraire, il nous arrive souvent d'assister à une montée rapide d'un titre que nous venons de découvrir, et pour lequel nous avons acheté quelques actions en tant que position de départ. Si, après une profonde analyse, le titre constituait bien un investissement hors pair, le voir monter sans avoir eu la possibilité d'en faire une position importante apportera davantage de frustrations que de joie. Dans d'autres cas, nous pourrions nous apercevoir plutôt qu'il s'agissait en fait d'une société moins intéressante que nous le croyions. Alors nous vendrions aussitôt en pensant que le petit gain rapide engendré fut simplement de la chance.
Dans une simulation boursière, ces montées rapides procureront un sentiment d'accomplissement au joueur concerné. Dans bien des cas, juste le fait qu'un titre grimpe s'avère suffisant pour le laisser croire que son achat constituait une bonne décision, et aucune recherche supplémentaire ne sera effectuée. La fin du jeu arrive, et le gain se cristallise. Il s'agit d'une victoire, alors qu'en fait, peut-être que les prochains mois auraient permis de confirmer que le titre visé aurait dû plutôt se classer dans la catégorie des ''mauvais achats''.
En conclusion, un jeu avec un horizon temporel aussi court peut difficilement constituer une bonne introduction à la bourse. Si ce genre de simulation permet d'apprendre comment acheter et vendre, elle omet l'un des ingrédients les plus essentiels pour réussir en bourse : la patience.
Qu'en pensez-vous?