L'action d'AIG attire la curiosité de plus en plus d'analystes et d'investisseurs. Malgré l'appréciation en Bourse ces derniers mois, le titre se transige toujours sous sa valeur au livre, et la direction vient tout juste d'annoncer un programme de rachat d'actions. Ce dernier fera grimper la valeur au livre, puisque qu'il sera effectué à un prix que nous jugeons avantageux.
Or, nous sommes régulièrement témoins de discussions comparant l'action (AIG-N) et le bon de souscription (AIG-WT). Cet article (cliquer ici pour le visionner) met l'emphase sur le rendement supérieur que procure le bon. L'auteur pose même la question suivante : pourquoi le bon ne se transige-t-il pas à un prix supérieur? Par cette question, il sous-entend qu'étant donné que le bon génère un meilleur rendement que l'action selon certains scénarios, il devrait se transiger à un prix plus élevé pour refléter cet avantage pour l'actionnaire. Il va même jusqu'à utiliser le mot ''escompte'' pour le positionner par rapport à l'action.
Afin de supporter son analyse, l'auteur calcule différents scénarios conduisant à un prix de l'action dans le futur. Comme il juge peu probable que la société connaisse des résultats désastreux dans les prochaines années, il estime que le bon génèrera davantage de gains pour l'investisseur. Toutefois, nous utilisons personnellement une méthodologie différente afin d'établir une comparaison qui nous semble plus juste.
Les bons : comparables à des emprunts
Les bons de souscription, tout comme les produits dérivés, comportent un effet levier qui magnifie le rendement. C'est pourquoi nous préférons comparer le bon à un emprunt. Comme il s'avère possible de reproduire le même effet levier à l'aide d'un prêt, il nous semble naturel de tenter de découvrir le coût de l'option en termes de taux d'intérêts ''équivalents''. Le calcul peut sembler complexe, mais en réalité, il ramène simplement le prix de l'option à des données faciles à interpréter. Prenez note que nous avons utilisé les données disponibles à la fermeture de la Bourse vendredi dernier.
Sachant que le prix d'exercice du bon est fixé à 45$, que la date d'échéance est en janvier 2021 et que le prix en Bourse s'élève à 25,68$ pour le bon et 55,29$ pour l'action, nous obtenons une valeur temps de 15,39$ et une valeur intrinsèque de 10,29$. Cette dernière correspond au ''capital'' à investir, alors que les 15,39$ constituent les ''intérêts'' à payer dans le temps, et ce, sur un prêt de 45$ (prix d'exercice).
Comme il reste environ 6,66 ans à courir avant l'échéance du bon, on paie un intérêt moyen de 2,31$ par an (15,39$ / 6,66). Autrement dit, pour calquer le bon avec un prêt conventionnel, il suffit d'investir 10,29$ par action et d'emprunter 45$ par action. Le débours total n'est que de 10,29$, et les intérêts seront payés sur les 45$ empruntés au fil du temps.
Avec seulement ces quelques données, on obtient un taux annuel de 5,1%. Toutefois, quelques ajustements s'avèrent nécessaires. Par exemple, le bon ne permet pas de recevoir les dividendes normalement versés sur les actions. Or, celui-ci doit être calculé sur le prix d'exercice, et il en résulte un coût d'intérêts équivalents total de 6,2% par an.
Deuxièmement, dans le cas du bon, nous disons que la valeur temps correspondait à 15,39$. Comme nous le comparons aux intérêts à verser dans le temps, nous devrions normalement calculer le coût d'opportunité en fonction du taux de rendement espéré du portefeuille. Par exemple, si l'on s'attend à générer un rendement annuel de 10%, le fait de verser les intérêts totaux immédiatement au début (15,39$) amène le coût total des intérêts annuels à 8,6%.
Un autre élément qui complexifie l'évaluation du bon
Finalement, un ajustement en faveur du bon devrait être considéré, mais nous l'utilisons plus rarement. Il s'agit du fait que si l'action d'AIG plonge de façon significative, la perte maximale encourue avec le bon correspondra au prix du bon. En achetant des actions d'AIG sur marge, la perte maximale s'établit au prix de l'action auquel on ajoute les intérêts payés sur l'emprunt. Par conséquent, en cas de scénario négatif extrême, le risque est moins élevé avec le bon. Si l'on voulait tenter de traduire cet avantage en termes de taux d'intérêt, il faudrait inclure le coût d'une option de vente qui limiterait les pertes au même montant que le bon pour le scénario d'achat d'actions avec emprunt.
Pour fins de simplification, considérons surtout le premier calcul incluant le sacrifice des dividendes, pour lequel nous avions obtenu 6,2%. Comme il est possible d'emprunter à un taux moindre dans le marché actuel, le bon ne se transige pas à un prix d'escompte par rapport à l'action. Toutefois, il demeure attrayant pour les comptes où l'emprunt ne constitue pas une option, comme dans le cas des régimes enregistrés.
Au sujet des auteurs du blogue : Patrick Thénière et Rémy Morel sont propriétaires de Barrage investissement privé, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com