Au cours de l'année fiscale 2010, nous lorgnions un investissement dans le titre d'Aéropostale (ARO-N), un détaillant de vêtements pour adolescents âgés de 14 à 17 ans. À l'époque, l'action nous apparaissait alléchante. Elle se transigeait à moins de 10 fois les profits, et l'entreprise détenait à son bilan d'importantes liquidités. Nous avions alors entamé une petite position, pour ensuite nous raviser peu longtemps après. Nous nous questionnions face à la croissance des ventes totales ainsi que les ventes comparables par magasin.
Nous avions déjà un peu d'expérience dans le monde de la vente au détail de vêtements. Nous savions, entre autres, que les changements de goût chez le consommateur peuvent avoir un lourd impact sur leurs résultats. Le cas échéant, la direction doit réagir promptement en modifiant la sélection de la marchandise. Autrement, une série d'années de succès se transforment vite en une spirale de pertes de ventes difficile à contrôler. Le cas d'Aéropostale est révélateur.
De 2005 à 2010, les ventes ont progressé de 18% annuellement, faisant fi de la crise américaine. En 2010, la co-présidente de la société, Mindy Meads quitta l'entreprise, alors qu'elle y travaillait depuis 2007 à titre de responsable de la marchandise. Ce n'était rien pour nous rassurer! Nous soupçonnons donc que certains faux pas aient été commis chez la haute direction. Il s'agit probablement d'un manque de réaction face à l'évolution des goûts des adolescents. Aéropostale vend beaucoup de vêtements avec l'inscription en gros de son logo, notamment le nombre 1987 (ce dernier correspond à l'année de création de l'entreprise). Le succès fut évident, tel que l'on peut le constater en observant la progression des ventes.
Revirement de situation
Depuis l'année 2010, le chiffre d'affaires de la société accuse un recul total de 12%. Cette baisse peut sembler modérée à première vue, mais notons que la marge brute est passée de 38% à 17%. Autrement dit, la direction eut recours aux ventes à escompte afin d'écouler l'inventaire. Si l'on avait opté plutôt pour le maintien des marges, les revenus auraient sans aucun doute plongé de façon spectaculaire.
Quant au titre, il a cédé plus de 80% sur la même période de temps. Si nous n'avions pas disposé de notre investissement à l'époque, notre faible gain se serait métamorphosé en désastre. Ce cas nous confirma une fois de plus que nous devons demeurer très prudents face aux titres de ce secteur lorsqu'une mauvaise tendance se dessine à l'horizon.
Fait intéressant : Aérospotale fit son entrée au Québec en procédant à l'ouverture de sept boutiques en 2012. L'un de nous a pu donc sonder ses propres enfants (deux adolescentes), afin de connaître leur opinion quant à la marchandise offerte. Les commentaires se sont malheureusement avérés négatifs. Elles préféraient de loin les chaînes de magasins Urban Planet, Garage et Dynamite.
Nous continuons à observer tout de même cette société, dont la capitalisation s'élève à seulement 370M$. C'est moins de deux fois les profits enregistrés en 2010. Notons qu'au dernier exercice financier, les pertes avant impôts ont atteint 186M$! L'encaisse a donc fondu de façon importante, et certains se demandent si la survie de l'entreprise ne serait pas menacée. Nous y verrons peut-être un peu plus clair le 22 mai prochain, alors que les résultats du premier trimestre seront divulgués.
Au sujet des auteurs du blogue : Patrick Thénière et Rémy Morel sont propriétaires de Barrage investissement privé, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com