Les Google Glass, que j’ai eu l’occasion d’essayer durant un peu plus d’une semaine, ne sont pas vraiment à point. La batterie des lunettes intelligentes se décharge dans le temps de le dire, l’expérience utilisateur est déroutante et les commandes vocales sont souvent ignorées.
Pourtant, je suis convaincu que, dans cinq ans, je me demanderai comment je me débrouillais à l’époque où je ne portais pas de lunettes intelligentes. Si je fais cette prédiction, c’est que les Google Glass constituent un changement de paradigme, alors que les montres comme la Galaxy Gear ne représentent qu’une évolution linéaire.
Grâce à la reconnaissance d’image et à la réalité augmentée, notamment, les lunettes intelligentes ont le potentiel d’augmenter notre compréhension du monde d’une manière aussi radicale que l’Internet l’a fait. Les Google Glass ne répondent pas vraiment à cette promesse, mais en sont assez proches pour que je sois convaincu que c’est pour très bientôt.
Il faut dire que les Google Glass ne sont pour l’instant pas destinés au grand public. En effet, l’appareil n’est vendu que sur invitation aux résidents des États-Unis, pour la modique somme de 1 500 $ US excluant les taxes. Ces appareils permettent aux développeurs et à des utilisateurs de la première heure d’explorer ses possibilités et à Google d’obtenir des données d’utilisation. On peut donc s’attendre à ce que les prochaines générations que plusieurs Google Glass soient mieux conçues.
Google Glass : l'aspect matériel
Les lunettes de Google ne pèsent que 42 grammes et sont loin d’être une monstruosité. Malgré tout, leur écran transparent, positionné vis-à-vis l’œil droit, ne manque pas d’attirer l’attention. Dans mon cas, les Google Glass étaient d’autant plus évidentes que je devais les superposer à mes propres lunettes.
Depuis le 29 janvier, Google propose du reste aux propriétaires de Google Glass d’acheter des montures compatibles pour 225 $, sur lesquels ceux qui ont besoin de lunettes pour voir peuvent faire installer des verres correcteurs. Ce n’est toutefois pas donné. En ajoutant 225 $ et un autre 300 $ pour des verres correcteurs au prix de base des Google Glass, la valeur des Google Glass dépasse les 2 000 $ avant taxes.
Les Google Glass sont dotés d’un bouton dédié pour prendre des photos, un raccourci qui est la bienvenue, permettant à l’utilisateur de faire une «capture d’écran» de son champ de vision en tout temps. La qualité des photos est très potable et on peut même tourner de courtes vidéos avec le même capteur.
Pour contrôler l’appareil, l’utilisateur doit glisser le doigt sur la paroi latérale des lunettes, qui est un pavé tactile, ou donner des instructions vocales, telles que « OK, Glass, take a picture ». Le micro intégré dans les Glass ne fonctionne toutefois pas très bien, de sorte que j’ai surtout utilisé le pavé tactile. De plus, je dois avouer que je me sentais quelque peu ridicule chaque fois que je parlais à mes lunettes en public.
La batterie de l’appareil ne dépasse pas la taille d’un domino et est située au bout de la branche droite de la monture. Elle se veut discrète et c’est réussi, mais l’autonomie des Google Glass s’en trouve hypothéquée. En fait, impossible de porter les lunettes durant une journée complète sans décharger sa batterie en cours de route, même en limitant son utilisation.
Vendredi dernier, par exemple, j’ai enfilé mes lunettes un peu avant 9 h, avant d’aller à la conférence donnée par Mitch Joel dans le cadre Creative Mornings Montréal, puis je me suis rendu à un rendez-vous avec les gens de Samsung pour essayer leur nouvelle montre intelligente (Galaxy Gear 2). Or, à 11h, au milieu de la rencontre, mes lunettes se sont éteintes. Une minute plus tard, c’était mon iPhone qui m’abandonnait. Pourtant, les deux appareils avaient été pleinement rechargés durant la nuit.
Ce matin-là, j’ai pris quelques photos avec les Google Glass, mais mon utilisation était loin d’être intensive. La raison pour laquelle mon iPhone m’a lui aussi abandonné est que j’ai dû l’utiliser pour générer un réseau Wi-Fi afin de permettre aux Google Glass de se connecter à Internet. Or, cette fonctionnalité est très gourmande en énergie, d’où l’autonomie drastiquement réduite de mon iPhone ce jour-là.
Bien qu’ils m’ont indéniablement rendu populaire dans les conférences où je les ai portés, les Google Glass n’y sont pas vraiment pratiques, à moins qu’on ait accès à un réseau Wi-Fi public. Dans le cas contraire, les lunettes high-tech de Google risquent de couper leur propriétaire d’Internet. Et assister à une conférence sans publier sur Twitter, est-ce vraiment assister à une conférence ? Selon moi, cette question se rapporte à celle de savoir si un arbre qui tombe dans la forêt, sans témoin pour l’entendre, fait du bruit.
Google Glass : l'aspect logiciel
Même si vous êtes familier avec l’interface d’Android (ou d’iOS), vous ne vous retrouverez pas instinctivement dans celle de Google Glass. C’est normal, puisque la nature des lunettes l’exigeait sans aucun doute, mais c’est néanmoins quelque peu déroutant. Même après avoir écouté attentivement les instructions en démarrant les Glass pour la première fois, je m’y perdais au début. Tout compte fait, l’interface n’a pas de faille évidente, mais je ne peux m’empêcher de penser que, si c’était Apple qui l’avait conçue, je l’aurais maîtrisé plus rapidement.
On navigue dans le menu des Google Glass en glissant son doigt sur le pavé tactile situé sur la paroi latérale droite des Glass. On peut aussi utiliser d’autres gestes, comme regarder vers le haut pour allumer les Glass ou encore cligner deux fois des yeux pour prendre une photo. Peut-être est-ce dû au fait que je portais les Google Glass par-dessus une autre paire de lunettes, mais les lunettes de Google n’ont jamais réussi à percevoir mes clignements d’œil. Quant aux commandes vocales, comme je l’ai mentionné précédemment, elles ne fonctionnaient pas très bien.
Pour utiliser Google Glass, il faut un iPhone ou un téléphone Android, sur lequel on doit télécharger l’application MyGlass. Si vous voulez la télécharger, notez qu’elle n’est disponible que dans l’App Store américain et que vous devrez changer les paramètres de votre compte iTunes pour la télécharger à partir du Canada. C’est à partir de cette application qu’on peut télécharger des Glassware, le nom donné par Google aux applications développées pour Google Glass.
On y trouve des incontournables comme Twitter et Facebook, que j’ai téléchargé sans attendre. Ces applications permettent ainsi de partager du contenu, comme des photos, de même que de recevoir leurs notifications directement dans Google Glass. Pour ceux qui ne jurent que par Evernote, sachez que l’application de prise de notes a déjà été lancée en version Glassware.
Sans surprise, les applications de Google ne sont pas en reste. Gmail, Google+, YouTube, Google Maps et Hangout, pour ne nommer que ceux-là, sont offerts en versions Glassware. Google Maps est tout particulièrement utile avec les Google Glass, puisqu’on peut voir son itinéraire sans pour autant quitter la route des yeux. L’application de vidéo-conférence Hangout offre elle aussi un monde de possibilités avec Google Glass, puisque l’application permet littéralement à quiconque de voir en direct, à partir de n’importe où dans le monde, par les yeux d’un autre être humain utilisant les Google Glass.
La palme de l’application la plus prometteuse, toutefois, revient à WorldLens, qui permet de traduire du texte en réalité augmenté. L’application supporte six langues, dont le français et l’anglais. J’ai essayé de traduire en réalité augmentée un article de The Economist et, malgré plusieurs essais, je n’y suis pas parvenu. En fait, l’application semble avoir été conçue pour les voyageurs (d’où son nom) et a de toute évidence été optimisée pour l’affichage extérieur.
Sur la rue Peel, j’ai utilisé l’application pour traduire une pancarte « Espace à louer ». En la fixant, le mot «Espace» est devenu «Space» et le mot «Louer» est devenu «Rent». L’application ne semble pas avoir repéré le «À», mais c’était suffisant pour comprendre. Si une application développée par un indépendant, gratuite de surcroit, peut en faire autant alors que les Google Glass ne sont pas encore commercialisées, c’est que nous n’avons encore rien vu, sinon la pointe de l’iceberg. En d’autres mots, j’ai entrevu le futur à travers les Google Glass, mais nous n’y sommes pas encore… pour l’instant.
Je tiens à remercier Martin McNicoll, pdg d’ERP Guru, qui m’a généreusement prêté ses Google Glass. Sans lui, ce billet n’aurait pas été possible.