BLOGUE. Le 29 mai dernier, RIM a annoncé avoir retenu les services de JP Morgan Chase et RBC Capital Markets pour « aider l'entreprise et notre conseil d'administration à examiner (ses) activités et (sa) performance financière de RIM ». Dans les faits, cette annonce signifie qu’une pancarte «À vendre» vient d’être plantée devant le siège social de RIM à Waterloo.
Avec une valorisation boursière d’à peine plus de six milliards, il va sans dire que l’entreprise semble être une aubaine, son seul portfolio de brevets valant probablement autant. Toutefois, le déclin rapide de ses ventes et l’état actuel du marché font en sorte que les acheteurs potentiels ne sont pas légion. Malgré tout, j’ai fait l’exercice de trouver cinq prétendants susceptibles de convoler en justes noces avec la grande dame canadienne des technos.
1. Facebook
Cet acheteur potentiel peut paraître le plus improbable de tous, mais dans les faits, il ne faudrait pas l’écarter trop rapidement. Dans le cadre de son récent appel à l’épargne public, les actions vendues par Facebook lui ont rapporté 6,84 milliards, qui s’ajoutent à une réserve de liquidités de 3,91 milliards et une marge de crédit de 5 milliards. Par conséquent, Facebook pourrait réaliser une transaction de 15 milliards sans émettre une seule action supplémentaire.
Au-delà de sa capacité de payer, Facebook semble plus déterminée que jamais à lancer son propre téléphone et l’acquisition d’un fabricant tel que RIM pourrait lui faciliter la tâche. Qui plus est, la force des combinés mal aimés de RIM, leur clavier, pourrait être un atout pour Facebook. En effet, ses utilisateurs écrivent beaucoup et les téléphones déjà commercialisés avec un bouton Facebook dédié, comme le HTC ChaCha, intégraient des claviers physiques.
Finalement, le système d’exploitation BlackBerry 10 pourrait être utile à Facebook, qui pourrait le modifier à sa guise et ainsi se passer complètement d’Android, qui appartient à son compétiteur Google. En effet, la plupart des observateurs s’attendent à ce qu’un éventuel téléphone Facebook fonctionne grâce à une version lourdement modifiée d’Android, comme celle qui équipe le Kindle Fire d’Amazon.
2. Silver Lake
Le fonds d’investissement américain Silver Lake spécialisé dans les TI a déjà une certaine expérience dans l’acquisition de géants canadiens déchus. En effet, Silver Lake a privatisé Avaya au prix de 8,2 milliards en 2007. Aussi, une grande part des actifs d’Avaya provenaient de Nortel, dont elle avait racheté l’ensemble du volet «télécommunication en entreprises» en 2009. Silver Lake était également impliquée dans le rachat de Skype à eBay, que le consortium dont elle faisait partie a revendu avec de gros profits à Microsoft en 2011.
En faisant l’acquisition de RIM, Silver Lake pourrait développer des synergies avec d’autres entreprises de son portfolio, tels Avaya ou l’un des nombreux fabricants de semi-conducteurs dans lesquelles elle a investi. De plus, le fonds pourrait éventuellement vendre certains actifs de l’entreprise, comme ses brevets, sa division QNX ou ses activités de fabrications de BlackBerry (si quelqu’un en veut), avant de réintroduire un nouveau RIM, d’une taille plus modeste, en bourse.
3. Samsung
Samsung a ravi le titre de premier fabricant de téléphones mobiles à Nokia en avril dernier. Malgré tout, l’immense majorité des téléphones écoulés par le géant coréen sont équipés du système d’exploitation Android de Google. Or, le moteur de recherche vient de compléter l’acquisition du fabricant Motorola et, par conséquent, est devenu un concurrent direct. Samsung pourrait ainsi chercher à réduire sa dépendance à Android.
L’entreprise est ainsi la seule qui ait à la fois les moyens et un intérêt économique à faire du système d’exploitation BlackBerry 10 un succès, dans l’hypothèse où elle ferait l’acquisition de RIM. De plus, en achetant le fabricant canadien, Samsung pourrait également rendre certains services populaires de RIM compatibles avec ses combinés Android, tels que son application de messagerie BBM et son service de courriels sécurisés.
Bien que Samsung apparaisse comme l’acquéreur le plus plausible, rien n’est moins sûr que son intérêt pour l’entreprise canadienne. Au courant de la dernière année, de nombreuses rumeurs concernant la tenue de pourparlers entre les deux entreprises ont fait surface, mais Samsung a nié leur existence. Comme il y a rarement de fumée sans feu, il est probable que de tels pourparlers aient eu lieu, mais le fait qu’aucune transaction n’ait eu lieu est révélateur.
4. Nokia (avec Microsoft)
Microsoft a souvent été invoquée comme acquéreur potentiel de RIM, mais une telle transaction est peu probable pour deux raisons. D’abord, une grande partie des revenus de Microsoft proviennent des ventes de licences de Windows à des fabricants. Google, qui vient de conclure l’acquisition de Motorola, offre pour sa part gratuitement Android aux fabricants. De plus, en achetant RIM directement, Microsoft entrerait en concurrence avec son partenaire Nokia, qui mise tout son avenir sur Windows Phone.
Malgré tout, Microsoft dispose de près de 60 milliards de dollars de liquidités et ne regarde pas à la dépense lorsqu’il est question de Windows Phone. Notamment, l’entreprise verserait un milliard de dollars par année à Nokia dans le cadre de l’entente qui a amené le fabricant finlandais à adopter son système d’exploitation mobile.
Malgré le succès (mitigé) de sa gamme de téléphones Lumia équipés de Windows Phone, Nokia continue à perdre des parts de marchés. L’acquisition de RIM, qui pourrait être financée par Microsoft sous la forme d’un investissement dans Nokia, permettrait au fabricant de rendre ses appareils plus attrayants pour les entreprises (grâce aux services de RIM) et de renforcer son emprise sur les marchés émergents, où les BlackBerry sont encore très populaires. Suite à une telle transaction, la marque BlackBerry serait sans doute conservée, mais ses combinés fonctionneraient éventuellement sous Windows Phone. Par ailleurs, on peut imaginer que la populaire application BBM serait adaptée à la plateforme Windows Phone.
5. Dell
Le fabricant d’ordinateurs Dell a été malmené sur les marchés au courant des derniers mois, mais l’entreprise dispose de pas moins de 17,2 milliards en liquidités. Pour renverser la tendance, elle multiplie les acquisitions dans le secteur des services aux entreprises, et le volet sécurité et gestion de parc mobile de RIM serait pour elle un précieux actif.
Le plus important fabricant d’ordinateurs, HP, a mis la main sur le fabricant de téléphones mobiles déclinant Palm en 2010, avant d’abandonner la production de toute sa gamme de produits en 2011. Cette mésaventure dans le secteur de la mobilité rend donc improbable une acquisition de RIM par HP, laissant donc la place à Dell en tant qu’acheteur potentiel.
La force de RIM dans le marché corporatif est un atout pour Dell, qui vend elle aussi surtout aux entreprises. De plus, alors qu’on voit de plus en plus d’ordinateurs portables dotés d'une connectivité cellulaire, on peut imaginer le lancement d’une gamme d’ordinateurs portables destinés aux entreprises de marque BlackBerry. Une telle gamme pourrait faire mal à la populaire gamme d’ordinateurs ThinkPad de Lenovo.
Dell a fait une modeste tentative sur le marché des téléphones mobiles en lançant le Dell Streak, un téléphone/tablette Android, en 2010. Elle a aussi lancé quelques tablettes Android, mais leur échec commercial a amené l’entreprise à miser sur Windows 8 pour ses prochaines tablettes. Grâce à sa relation privilégiée avec Microsoft, le fabricant pourrait négocier un accord avantageux avec l'éditeur de logiciels pour abandonner BlackBerry 10 au profit de Windows Phone. Dell pourrait tout aussi bien décider d’aller de l’avant avec le système d’exploitation développé par RIM.