Guestful, qui lance aujourd’hui sa nouvelle application iPhone, est un exemple éloquent de start-up ayant su apprendre de ses erreurs. En effet, ses co-fondateurs ont su appliquer la méthode Lean Startup qui, étrangement, a été résumée par Nicolas Boileau il y a plus de trois siècles : «Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage: Polissez-le sans cesse et le repolissez; Ajoutez quelquefois, et souvent effacez.»
Dans les faits, les co-fondateurs de Guestful ont été jusqu’à effacer le nom de leur précédente tentative d’offrir un service de réservation de restos. La précédente incarnation de Guestful, Avenue 65, permettait à ses utilisateurs de réserver dans une poignée de restos montréalais, qui offraient des remises durant leurs plages horaires les moins occupées.
À l’époque d’Avenue 65, l’intégration avec les logiciels de gestion des réservations des restaurateurs posait problème, si bien que la start-up a décidé de développer son propre logiciel. Contrairement au géant OpenTable, dont le système est fermé, Avenue 65 a décidé de développer un logiciel ouvert.
Grâce à l’ouverture de son logiciel de réservation, plusieurs acteurs peuvent désormais se connecter à l’inventaire des restaurants qui l’utilisent : «On s’est rendu compte que la valeur n’était pas dans le système de réservation comme tel, mais dans le fait d’aider les restaurateurs à remplir leurs restaurants», explique Richard Btaiche, co-fondateur de Guestful, et ancien pdg de Fastgrab.
Guestful ne tire aucun revenu de son logiciel de réservation, mais bénéficie de l’effet de réseau qui vient avec. Notamment, Tuango s’y connecte avec Reserva, son propre service de réservation de resto avec remise.
Acquisition de Fastgrab et nouveau concept
En mai 2013, le pdg d’Avenue 65, Jean-David Bégin, se rendait compte que son modèle d’affaires restreignait son marché potentiel, puisque ce n’est pas tous les restos qui sont intéressés à offrir des remises. C’est durant cette période qu’il a fait l’acquisition de Fastgrab, un service permettant de commander et de payer sur mobile dans les comptoirs de restauration rapide.
Peu après la transaction, Fastgrab cessait ses activités et Avenue 65 était remplacée par une version bêta de Guestful. Richard Btaiche explique que l’échec de Fastgrab, dont l’app mobile était pourtant utile, était encore une fois lié aux logiciels utilisés du côté des restaurateurs.
Fastgrab, qui avait un réseau de 60 restaurateurs à Montréal, devait investir quelque 1 000 $ pour acquérir un nouveau restaurant : «Il fallait leur fournir un iPad et développer quelque chose pour s’intégrer à leur système de point de vente», relate Richard Btaiche.
Guestful contre OpenTable
Fort d’un réseau de 300 restaurants à Montréal, Guestful mise aujourd’hui sur l’informatisation des restaurants pour tirer son épingle du jeu face au géant OpenTable, qui domine la réservation en ligne dans les restaurants en Amérique du Nord. Selon Richard Btaiche, seulement 20 % des restos acceptent les réservations en ligne, contre 80 % des hôtels, de sorte que le créneau est loin d’être saturé.
Aussi, pour se démarque d’OpenTable, Guestful se positionne comme un site de découverte comme Yelp, mais avec des recensions de restaurants qui proviennent uniquement de clients y ayant réservé. Déjà, les utilisateurs de Guestful auraient rédigé pas moins de 15 000 recensions. Le service propose également des listes de restaurants thématiques, proposées par des curateurs comme l’animatrice Sophie Ginoux et le chef Martin Juneau.
Du côté des restaurateurs, l’attrait de Guestful est sa gratuité, qui est d’autant plus attrayante qu’OpenTable charge plusieurs centaines de dollars par mois aux établissements de son réseau. Par conséquent, Guestful ne génère aucun revenu. Richard Btaiche explique que la start-up consacre tous ses efforts à la croissance, remettant le problème du modèle d’affaires à plus tard.
Compte tenu de la taille d’OpenTable, acquises par Priceline au prix de 2,6 milliards cet été, les chances de Guestful de s’imposer semblent minces. Du reste, les co-fondateurs de Guestful ne sont pas du genre à abandonner. Si leur produit actuel fait du surplace, c’est écrit dans le ciel qu’ils remettront leur ouvrage sur le métier.