BLOGUE. L’intérêt exprimé par le pdg de Lenovo Yang Yuanqing à l’égard de BlackBerry semble être logique à première vue. Après tout, l’entreprise chinoise s’est internationalisée en achetant la division PC d’IBM en 2005, dont la marque la plus forte, ThinkPad, était destinée aux entreprises.
Lenovo, dont les téléphones intelligents sont essentiellement commercialisés en Asie, pourrait ainsi s’internationaliser et se rapprocher encore davantage de sa clientèle corporative en achetant BlackBerry.
La transaction tient donc la route sur papier et les arguments précédents sont sans doute ceux que mettraient de l’avant les banquiers intéressés à y jouer un rôle. Toutefois, elle comporte une faille très importante. Les clients corporatifs restés fidèles à BlackBerry sont en grande partie restés pour des raisons de sécurité, dont l’entreprise canadienne a historiquement fait son pain et son beurre.
Dans un contexte où les pays occidentaux se méfient de plus en plus des géants chinois des équipements de télécommunication Huawei et ZTE, il serait surprenant que les clients gouvernementaux et corporatifs de BlackBerry demeurent fidèles après son acquisition par Lenovo.
Contrairement à la division PC d’IBM, BlackBerry ne fait pas que fabriquer des appareils qu’elle vend ensuite aux entreprises. Elle fournit un service de transmissions cryptées de courriels et de BBM, lesquels transitent par ses propres serveurs. Or, si les entreprises et les gouvernements accordent de l’importance à ce cryptage, c’est qu’ils ne voudraient pas que leurs communications soient interceptées par des espions… chinois.
La suite : BlackBerry scindée en deux ?
BlackBerry scindée en deux ?
Malgré tout, la proportion des revenus que BlackBerry tire de ses clients corporatifs n’est plus ce qu’elle était. D’une part, ses téléphones demeurent populaires auprès des consommateurs de marchés comme l’Indonésie, l’Amérique latine et l’Afrique du Sud. D’autre part, de nombreuses entreprises occidentales abandonnent BlackBerry, surtout au profit d’Apple. Qui plus est, Samsung a récemment beaucoup investi dans la sécurité afin de séduire le marché corporatif.
Bref, il semble peu probable que Lenovo mette la main sur BlackBerry en entier. Toutefois, une transaction excluant les activités de services aux entreprises tiendrait davantage la route.
Il va sans dire que, si négociations il y a, elles auront lieu après le lancement du BlackBerry Z10 aux États-Unis, qui aura lieu le 22 mars prochain. D’ailleurs, les propos de Yang Yuanqing rapportés par le quotidien français Les Échos ne sont pas ceux d’un acheteur impatient : « Quant à BlackBerry, le dossier pourrait éventuellement avoir du sens. Mais je dois d'abord bien analyser le marché et comprendre quel est le poids exact de cette entreprise.»