Google a annoncé qu’elle était prête à débourser pas moins de 900 millions de dollars pour faire l’acquisition du portfolio de brevets du géant canadien déchu Nortel. L’équipementier en télécommunication, qui poursuit la liquidation de ses actifs sous la protection de la loi sur les faillites, posséderait en effet quelque 6 000 brevets qui seront vendus dans le cadre d’une mise aux enchères. Le vice-président en charge des affaires légales de Google, Kent Walker, avoue sur son blogue que les brevets de Nokia ne serviraient que d’épouvantail juridique : « La meilleure défense contre cette sorte de poursuites est (ironiquement) d’avoir un important portfolio de brevets, dans la mesure où cela contribue à vous permettre de développer en toute liberté de nouveaux produits et services. »
Les brevets logiciels, reconnus par la législation américaine, donnent lieu chaque année à de nombreux procès inutiles. La plupart du temps, ils sont intentés par des entreprises, qualifiés par les anglophones de « patent trolls », n’ayant d’autres activités que le dépôt et le rachat de brevets d’une part, et la mise en place de procédures juridiques contre des entreprises profitables d’autre part. D’autres poursuites, par ailleurs, sont intentées dans un but concurrentiel par des entreprises établies, comme celles de Microsoft à l’égard d'entreprises utilisant la plateforme Android de Google.
Si ces brevets logiciels représentaient de véritables innovations, Nortel, forte de son imposant portfolio, aurait sans doute pu conserver son hégémonie dans son secteur. Toutefois, malgré leurs valeurs en tant qu’épouvantail juridique, les brevets de Nortel ne valent probablement pas, du point de vue technologique, le papier sur lequel on pourrait les imprimer.
Dans les faits, plusieurs brevets logiciels accordés renferment des processus si évidents qu’ils permettent à leurs détenteurs de poursuivre la plupart des entreprises œuvrant de près ou de loin en TI. Par exemple, mentionnons ce brevet appartenant à Microsoft, qui lui permettrait de poursuivre la plupart des sites Internet utilisant un système de commentaires ou de sondage en ligne. Ou encore, celui-ci, qui appartient à Amazon, et qui permettrait à cette dernière de poursuivre tous les détaillants en ligne de la planète, puisqu’il ne s’approprie rien de moins l’utilisation d’un bouton d’achat.
Les brevets accordés dans le domaine du logiciel sont si ridicules que, si on appliquait la même logique dans le domaine des arts, il serait sans doute facile de faire fortune. En effet, il serait sans doute facile de vivre de sa propriété intellectuelle en brevetant, par exemple, un procédé par lequel, dans un récit, on met en valeur les habiletés exceptionnelles d’un protagoniste avant de plonger ce dernier dans une situation où ce dernier devra y recourir dans un contexte dramatique. Les maisons d’édition comme les studios hollywoodiens n’auraient alors qu’à sortir leur chéquier… ou à bâtir leur propre portfolio de brevets.