Le financement participatif en capital (equity crowdfunding) est légal au Québec depuis jeudi dernier. L’AMF a en effet créé une dispense qui permet désormais aux entreprises québécoises d’aller chercher jusqu’à 250 000 $ dans le cadre d’une campagne de financement participatif en capital. Les contributeurs à ce type de campagne seront pour leur part limités à une contribution maximale de 1500$.
Concrètement, le financement participatif en capital fonctionne comme la forme de financement participatif la plus connue (celle de Kickstarter), à l’exception que les entrepreneurs offrent des actions de leur entreprise en échange des contributions financières. Jusqu’à l’annonce de jeudi, la réglementation québécoise n’était pas adaptée à ce mode de financement, puisque les entreprises à capital fermé ne peuvent pas avoir plus de 50 actionnaires ni solliciter d’investisseurs non avertis.
En plus du Québec, ce cadre réglementaire a été adopté conjointement par cinq autres provinces canadiennes, de sorte que les campagnes de financement participatif québécoises pourront solliciter des contributeurs d’autres provinces. Il s’agit de la Colombie-Britannique, la Saskatchewan, le Manitoba, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse. Le Québec devance ainsi les États-Unis et l’Ontario en matière de financement participatif en capital.
La nouvelle dispense est déjà en vigueur, mais aucun portail de financement participatif en capital, tel que Crowdcube en Angleterre, n’a encore été lancé pour desservir les entrepreneurs du Québec et des autres provinces concernées.
Ce ne serait toutefois qu’une question de semaines avant qu’elles se manifestent. En effet, selon mes sources, plusieurs groupes n’attendaient que le feu vert réglementaire pour se lancer. Qui plus est, il ne sera pas nécessaire d’être un courtier enregistré pour opérer une telle plateforme.
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Une source de financement intéressante?
Maxime Lévesque, qui avait pris part aux consultations de l’AMF lorsqu’il était pdg du site de financement participatif Fundo.ca, est surpris de la rapidité à laquelle l’AMF a agi dans ce dossier. Néanmoins, il déplore le plafond de 250 000 $ par campagne et de 1500 $ par contribution : « Je pense qu’un plafond de 250 000$, c’est très bas pour une start-up qui souhaite se financer; avec un million, on aurait vraiment créé une alternative intéressante au capital de risque», m’a-t-il expliqué.
Sylvain Théberge, pour sa part, explique que la présente dispense vise spécifiquement les micro-entreprises et les start-ups : « Pour ces entreprises, avec la possibilité de faire deux campagnes par années, ce qui ressort de nos consultations est que c’est un montant intéressant », explique-t-il. Aussi, il précise qu’il faut mettre en perspective ce plafond, puisqu’une seconde dispense visant des entreprises plus matures devrait entrer en vigueur d’ici l’automne. Bien entendu, il faut également s’attendre à ce que les exigences réglementaires associées soient plus lourdes.
Même pour une start-up qui n’a besoin que de 250 000$, la preuve reste à faire qu’une campagne financement participatif en capital lui sera providentielle. En effet, de nombreux membres d’Anges Québec sont disposés à signer un tel chèque à une start-up à très grand potentiel, tout comme les fonds d’amorçage comme Real Ventures.
Or, ces investisseurs offrent généralement du mentorat aux start-ups qu’ils appuient et ont l’avantage de constituer un seul interlocuteur. Or, à raison de 1500$ par contributeur, une start-up qui obtient un financement de 250 000$ en faisant une campagne de financement participatif en capital se retrouvera avec un minimum de 167 actionnaires.
Scott Loong, avocat chez Gowlings et membre du conseil d’administration de la National Crowdfunding Association of Canada, soutient qu’avoir autant d’actionnaires aura un coût : « Même s’ils parlent d’une dispense pour les start-ups, ça demeure un processus sophistiqué en matière de réglementation et de comptabilité, explique-t-il. Malgré la dispense, les entrepreneurs qui empruntent ce chemin devront avoir une compréhension de base des lois sur les valeurs mobilières. »
Selon lui, le financement participatif en capital ne conviendra qu’à un certain type de projet et pas nécessairement à ceux qui peuvent se faire financer par des capital-risqueurs. Cela ne veut pas dire pour autant que les capital-risqueurs ne se trompent jamais ni qu’il est impossible qu’une licorne finisse par être engendrée par cette forme de financement.
Cela dit, tout indique que les projets qui recourront à cette nouvelle forme de financement auront un potentiel trop limité pour les capital-risqueurs, mais potentiellement, un impact local, social ou communautaire attrayant. Par exemple, un gym de quartier pourrait être financé par les résidents des environs qui souhaitent s’y inscrire ou une boutique en ligne spécialisée dans la vente d’articles désignés au Québec pourrait l’être par des designeurs québécois.