Si vous n’avez pas en poche un téléphone intelligent doté d’un appareil photo, vous êtes en quelque sorte un analphabète technologique. En effet, sans un tel téléphone, vous ne serez pas en mesure de déchiffrer un code QR comme celui qui apparaît sur le panneau d’affichage ci-dessus. Pour percer le secret de ces codes, il suffit de les prendre en photo avec son téléphone et d’avoir téléchargé au préalable une application qui en permet la lecture. Or, malgré l’omniprésence des codes QR, qu’on peut notamment observer sur les panneaux d’affichage, nombreux sont ceux qui n’ont aucune idée de ce à quoi ces étranges labyrinthes composés de cubes noir et blanc peuvent bien servir.
Dans la mesure où le citadin moyen est exposé à quelque 5 000 messages publicitaires chaque jour, on pourrait croire que cette incapacité à déchiffrer les codes QR n’est pas un handicap. Or, ces codes sont utilisés, outre dans l’affichage, dans les emballages de produits, les journaux et les coupons, pour ne nommer que ceux-là. Même le réseau de courtiers immobiliers La Capitale, récemment renommé Via Capitale, affichera prochainement des codes QR sur ses enseignes.
Si les codes QR peuvent aussi bien contenir du texte qu’une série de chiffres, la plupart de ceux qui vous entourent correspondent à une adresse Internet vers laquelle votre téléphone intelligent vous redirigera. C’est la raison pour laquelle les professionnels du marketing, devenus accrocs au retour sur investissement que permet la publicité sur Internet, adorent les codes QR. En effet, ces codes-barres en deux dimensions leur permettent de mesurer l’impact de leurs investissements dans les médias traditionnels de manière presque aussi précise qu’ils peuvent le faire avec leurs investissements en ligne. Ces précieuses données, cependant, perdent de leur précision si on affiche une adresse Internet en toutes lettres en plus d’un code QR. Ces derniers auront ainsi tendance à remplacer toutes autres coordonnées dans les communications des entreprises. Par conséquent, un individu ne possédant pas de téléphone intelligent n’aura pas accès aux mêmes informations que ses homologues mieux équipés.
La question posée dans le titre de ce billet n’aurait pas dû recourir à la notion d’analphabétisme, mais de littératie qui, au-delà des capacités de lecture, englobe l’aptitude de la population à déchiffrer et à comprendre le monde qui les entoure. Non moins sérieux que l’analphabétisme, dont le taux est tout particulièrement élevé au Québec, les enjeux de littératie technologique sont appelés à gagner en importance à l’avenir. Et, compte tenu des prix exorbitants des forfaits de données mobiles au Canada, ce sont les plus démunis qui risquent de souffrir le plus de cet analphabétisme moderne.