Patrick Poirier n’a pas le profil d’un décrocheur. Le Nord-Côtier d’origine collectionne en effet les diplômes universitaires comme d’autres collectionnent les petites cuillères. Il a accumulé trois baccalauréats (administration, biologie moléculaire et mathématique financière) et complété une maitrise en psychiatrie à McGill.
Pourtant, à l’école, Patrick Poirier éprouvait des difficultés dans plusieurs matières comme l’histoire et a dû finir son secondaire dans une école pour adultes : «Le système d’éducation, il est arrangé en fonction des examens, mais il ne tient pas compte des gens comme moi; je passais beaucoup de temps à étudier en fonction de mes intérêts personnels», explique l’entrepreneur.
À la tête d’Erudite Science, une start-up établie à Montréal qu’il a co-fondée en 2013, Patrick Poirier s’apprête à lancer un tuteur virtuel capable d’enseigner les mathématiques aux élèves du primaire. Même s’il n’a jamais eu de difficulté en maths, Patrick Poirier sait mieux que quiconque quelle différence un tuteur peut faire dans la vie d’un étudiant en difficulté : « C’est pas tout le monde qui a accès à un tuteur privé, parce que ça coûte cher, explique Patrick Poirier. De plus, un tuteur virtuel a l’avantage d’être là quand l’étudiant en a besoin. Comme ça, l’étudiant ne passera pas des heures devant un problème qu’il n’arrive pas à résoudre. »
Concrètement, le logiciel d’Erudite Science permettra d’identifier pourquoi un élève s’est trompé et lui expliquer son erreur. Par exemple, si un élève résout l’équation 5 * 7 + 5 par 60, le logiciel comprendra que l’erreur a été de résoudre l’addition avant la multiplication, puis l’expliquera de vive voix dans des mots simples.
«En travaillant avec des professeurs, j’ai appris qu’il fallait utiliser un vocabulaire différent en fonction de l’âge de l’élève», explique Pablo Duboue, le co-fondateur d’Erudite Science, dont la thèse de doctorat portait sur la génération informatique des langues naturelles. Lui aussi bardé de diplômes, l’informaticien d’origine argentine a auparavant travaillé chez IBM Research sur le développement de Watson et pour la start-up montréalaise PasswordBox.
Forte de cinq employés, Erudite Science vient d’obtenir une bourse de 394 756 $ du Fonds des médias du Canada pour mener à bien son projet. Les deux co-fondateurs m’ont expliqué avoir l’ambition d’offrir leur technologie à des tiers comme Khan Academy, via un API, de manière à avoir un impact plus important sur le marché de l’éducation. Dès son lancement, prévu pour cet été, le tuteur virtuel d’Erudite Science pourra s’exprimer en français et en anglais.
Si Patrick Poirier a décidé de commencer avec les maths, plus faciles à aborder de manière algorithmique, il souhaiterait à plus long terme que son tuteur virtuel puisse accompagner des élèves dans toutes les matières, du primaire à l’université. S’il y parvient, il aura réussi à régler, grâce à l’un de ses intérêts personnels, une faille du système d’éducation dont il a lui-même été victime.