Jusqu’en 1949, on en appelait en dernier recours au Conseil privé de Londres et, plus récemment, on a vu certaines causes linguistiques en appeler au Comité des droits de l’homme de l’ONU. Aujourd’hui, toutefois, les médias sociaux permettent à David d’obtenir gain cause face à Goliath avec une efficacité et une rapidité sans égal. En moins de 24 heures, en pleine fin de semaine de Pâques, Lassonde a renoncé à sa victoire juridique devant la cour d’appel et versé à la personne qu’elle poursuivait un montant qui avoisinerait les 125 000 $.
Lassonde, qui est derrière les jus Oasis, a poursuivi Deborah Kudzman parce qu’elle commercialisait des savons artisanaux sous la marque Olivia’s Oasis. Le géant québécois a perdu sur toute la ligne, se voyant même imposer le remboursement des frais juridiques encourus par la défenderesse. Toutefois, le 30 mars dernier, un jugement de la Cour d’appel invalidait la partie du premier jugement prévoyant le versement de 125 000 $ à la défenderesse.
Tout a commencé samedi dernier, lorsqu’un article publié dans La Presse a mis le feu aux poudres. Selon le quotidien, la version en ligne de l’article aurait été partagée plus de 1000 fois sur Facebook. Par ailleurs, sur Twitter, les micro-billets défavorables à Lassonde, souvent associé au hashtag #Oasis, pleuvaient. Notamment, Guy A. Lepage, qui compte plus de 100 000 abonnés sur le réseau social, a déclaré qu’il ne boirait plus de jus Oasis. Bruno Guglielminetti a quant à lui relayé l’histoire à ses 23 000 abonnés et déclaré que la controverse aurait une valeur publicitaire de plus de 126 000$ pour Olivia’s Oasis.
Une réaction relativement rapide
Face à cette vague de fond vindicative sur les médias sociaux, Lassonde a réagi et publié sur sa page Facebook un message expliquant sa position et exprimant le désir d’en arriver à une entente avec la défenderesse. Cette publication a fait l’objet de quelque 414 commentaires, pour la plupart défavorables à Lassonde.
La tempête sur les médias sociaux ne s’estompant pas, Lassonde a fini par publier vers 20h00 un message (ayant généré 324 commentaires) disant que la défenderesse se verrait dédommager pour ses frais juridiques. Quelques minutes plus tard, l’entreprise annonçait, toujours sur Facebook, qu’une entente à l’amiable avait été conclue avec la défenderesse.
Cette fois, les 124 commentaires générés par cette annonce étaient plus positifs, certains d’entre eux félicitant Lassonde pour avoir changé son fusil d’épaule : « J'étais un de vos clients, et suite à l'article de La Presse, un de vos critiques les plus virulents. Par contre, vu que vous avez faite amende honorable envers Deborah Kudzman, je redeviendrai un de vos clients. », a commenté Paco Lebel.
Malgré tout, une importante portion d’entre eux sont demeurés négatifs : « Maintenant que cette histoire circule sur les réseaux sociaux et à la télé, ils ont juste eu peur à leurs fesses! Ils ne pouvaient faire autrement que de réagir positivement! », a commenté Nancy Hubert.
Néanmoins, la diminution significative du nombre de commentaires indique qu’à elle seule que Lassonde a réussi à calmer le jeu en signant un chèque à Deborah Kudzman. Aussi, s’il elle ne peut pas prétendre avoir protégé la veuve et l’orphelin dans cette affaire, sa réaction prompte lui a permis d’éviter que cette affaire virale prenne des proportions trop importantes.
Il vaut mieux prévenir que guérir
Certes, Lassonde aurait sans doute pu réagir plus rapidement qu’elle ne l’a fait ou encore s’être doté d’un plan de gestion de crise sur les médias sociaux. Or, lorsque Lassonde a entamé des procédures juridiques contre Deborah Kudzman, il y a 7 ans, Facebook n’admettait que les étudiants sur son site et Twitter n’existait pas encore.
En 2012, avant d’entamer une poursuite, les dirigeants devraient consulter des avocats, certes, mais aussi les responsables des communications et des médias sociaux de l’entreprise. Advenant que ces derniers estiment qu’une poursuite donnée ait le potentiel de susciter l’indignation populaire, les décideurs pourraient tenir compte de ce risque dans leur prise de décision.
Le nouveau pdg de Yahoo, Scott Thompson, aurait d’ailleurs dû se livrer à cet exercice avant de déposer une poursuite pour violation de brevets contre nul autre que Facebook le 12 mars dernier. Depuis lors, bien que Facebook n’est pas tout à fait un David et Yahoo pas tout à fait un Goliath, les réactions négatives face à la démarche de Yahoo fusent de toute part. De nombreux blogueurs ont exprimé leur colère face à cette poursuite, qui ne viserait selon eux qu’à forcer Facebook à régler à l’amiable avant son introduction en Bourse.
Le géant des réseaux sociaux a ainsi gagné le capital de sympathie qu’a perdu le géant déchu de la recherche. De plus, Facebook a depuis lors acheté à IBM un portefeuille de quelque 750 brevets et déposé à son tour une poursuite pour violation de brevets contre Yahoo le 3 avril dernier. Bref, Yahoo avait tout compte fait davantage à perdre qu’à gagner dans cette bataille. Et si l'issue de son volet juridique demeure inconnue, une chose est certaine : Yahoo a déjà perdu la bataille de l’opinion publique.