L'histoire que vous lirez cette semaine sous la plume de notre journaliste François Normand démarre en juin dernier. Lors d'un événement de l'Institut des administrateurs de sociétés, j'avais la chance de partager la table de Martin Deschênes, associé et leader du service Soutien aux transactions, chez Raymond Chabot Grant Thornton. La discussion que nous avons eue ce matin-là a été une bougie d'allumage.
Nous parlions des entreprises étrangères qu'il aide à s'installer au Québec. Des dossiers nombreux, car le Québec est attrayant. Mais le Québec réussit-il à garder ces sociétés étrangères ? lui ai-je demandé. Observe-t-on parmi elles le même mouvement de retour qu'on constate chez certains immigrants : quelques années au Québec, une expérience nord-américaine, la citoyenneté canadienne pour les plus prévoyants, puis bye-bye, retour au pays ?
Beaucoup d'entreprises repartent, m'a confirmé Martin Deschênes. Et si on sait grosso modo pourquoi la greffe n'a pas pris (fiscalité, main-d'oeuvre, productivité, etc.), on ignore à quel point le départ d'entreprises étrangères est fréquent, car personne ne compile ces données.
Notre journaliste a calculé que des centaines de millions de dollars ont été dépensés pour attirer ici des filiales étrangères. Au moins 647 M$ sur cinq ans. Rendement de l'investissement pour la société québécoise : inconnu.
On pourrait arguer que les montants investis sont bien petits en regard du budget du Québec. Mais peut-on se permettre de miser ne serait-ce que 647 M$ sans même se préoccuper de mesurer le résultat ?
La croissance des dépenses du gouvernement est sous haute surveillance. Mais les sommes consenties seraient encore trop grandes si, par malheur, les programmes financés n'étaient pas performants. Or, dans le cas de l'attraction d'entreprises étrangères, on ne le sait pas. Comme le souligne l'économiste Claude Montmarquette dans nos pages : «Les gens sont toujours préoccupés de savoir si on peut respecter les coûts d'un programme. Mais on ne se demande jamais ce que cela donne !»
Prendre conscience de cette faille est un pas dans la bonne direction. Déjà, la ministre Dominique Anglade assure qu'elle privilégiera «toutes les stratégies qui existent sur le plan des meilleures pratiques pour les investissements directs étrangers». Et Montréal International vient de créer le Conseil de l'attractivité du Grand Montréal pour dégager des solutions aux défis de séduction de la métropole.
Il est très possible qu'investir pour attirer ces sociétés nous permette de multiplier la mise. Très possible. Mais ne laissons pas ça au hasard. Vérifions.
Julie Cailliau
Chef de publication
Groupe Les Affaires
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