BLOGUE. OK, je vous le dit d’entrée de jeu, toute la question soulevée par le mouvement «occupy» dans lequel on adore tirer sur le fameux 1% des gens les plus riches me laisse au mieux dubitatif. Ce mouvement s’en prend au fait que 1% de la population posséderait plus d’actifs que, selon le pays ou la province, 50% de la population. Tout le discours portant sur les «riches-qui-s’enrichissent-toujours-de-plus-en-plus» émerge de ce mouvement.
Je suis sensible au fait qu’il faille préserver une certaine prudence quant à l’écart qui existerait entre les plus riches d’une société, qui par définition seront toujours moins nombreux, et le reste de leurs concitoyens. Pour paraphraser la directrice sortante de Centraide, Michèle Thibodeau DeGuire, qui est une femme remarquable, c’est bien plus qu’une question d’équité, c’est une question de paix sociale.
Cependant, là où je décroche, c’est que peu importe la concentration de la richesse, on cherche à faire de ce 1% la cible d’une position trop facilement dogmatique. Ainsi au début d’octobre, l’IRIS (Institut de recherche et d’information socio-économique) publiait une étude sur la question (1) . Que nous enseigne cette étude sur ce 1% des citoyens du Québec qu’il faut garder à l’œil?
On y apprend que le seuil d’entrée dans ce club sélect se situe à 178 000$ et que ce club serait composé, selon l’un des auteurs, de 61 000 personnes (2). Dans l’entrevue qu’il donnait à l’émission «Pas de midi sans info», Simon Tremblay-Pepin admettait que, selon la donnée de Statistique Canada sur laquelle repose l’étude qu’il a cosignée, ce club sélect québécois est déjà moins riche et plus taxé que les clubs similaires des autres provinces ou autres états américains.
Ce qui n’était pas clair lors de l’entrevue et qui ne l’est certes pas à la lecture du rapport, c’est de savoir s’il faut se désoler ou se réjouir d’avoir moins de riches et des riches moins riches. Afin de faire avancer ce débat, je me permets de soulever ici 4 questions :
1- A moins que tous le Québécois ne gagnent exactement le même revenu, il y a aura toujours, par définition, 1% de la population composée de personnes qui gagnent de plus hauts revenus. À quel seuil de revenus devient t’on moins suspect? Visiblement 178 000$ c’est déjà beaucoup trop.
2- Le Québec compte environ 16 000 médecins qui, selon ICIS, gagneraient en moyenne 253 539$ par année (3). Si, selon M. Tremblay-Pepin, le 1% représente 61 000 personnes, les médecins représenteraient donc 26% des citoyens que l’on devrait encore un peu plus imposer. Or, la donnée de l’ICIS indique que les médecins québécois sont déjà moins rémunérés que leurs consoeurs et confrères des autres provinces (4).
3- Chez le reste des 45 000 autres « un-pourcentistes », on peut présumer qu’il y a quelques pharmaciens, de petits entrepreneurs, un ou deux avocats et qui sait même quelques artistes ou animateurs de radio. Devraient-ils se sentir coupables pour autant?
4- Finalement si l’on réussissait à mettre tout ce beau monde sur un train en route pour, disons Toronto, il y aurait un autre 1% qui, par définition, émergerait dans les statistiques. Celui-ci, composé de l’actuel 2e pourcent, serait moins riche, mais serait-il moins suspect? De là on retourne à la première question.
Si je vous parle de ce sujet aujourd’hui, en pleine campagne municipale, c’est que dans le rapport de l’IRIS, on ne se contente pas de dénoncer ce 1%, on dénonce aussi le fait que celui-ci soit particulièrement concentré à Montréal. En voici un extrait :
«De plus, la progression du revenu moyen des plus riches Montréalais·e·s a été plus forte depuis 1982 que celle de leurs homologues des autres grandes villes du Québec. On peut penser que la différence entre les emplois occupés explique en partie ces écarts. Par exemple, Montréal est la seule place financière de la province. Les emplois dans ce secteur sont généralement mieux rémunérés que la moyenne. De plus, de nombreux sièges sociaux d’entreprises, dont ceux de multinationales, se retrouvent dans la métropole québécoise, ce qui suppose une présence plus nourrie de hauts cadres bien payés. En bref, la concentration de la richesse au Québec est aussi géographique et genrée, d’autres indices qui nous permettent de dire que nous sommes en face d’un véritable système des inégalités.»
Bref vous êtes déjà suspect si vous gagnez plus de 178 000$, mais en plus si vous habitez Montréal alors là vous en êtes presque odieux!
Ma question de la semaine à nos candidats et candidates à la mairie de Montréal; Souhaitez vous conserver, accroître ou diminuer le membership des gens qui gagnent plus de 178 000$ et qui habitent Montréal?
Pensez y bien mais pas trop longtemps parce que s’ils tombent sur le rapport de l’IRIS, le maire de Calgary ou la Directrice des ressources humaine du centre hospitalier Lakeridge Health d’Oshawa pourraient bien faire avec nos « un-pourcentistes » ce qu’ils ont fait avec nos minorités ostentatoires en les invitant à venir s’établir chez eux.
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1-Posca, Julia et Simon Tremblay-Pepin (2013) « Les inégalités : le 1% au Québec » IRIS; Note socio-économique.
2-Entrevue de Simon Tremblay-Pepin à l’Émission « Pas de midi sans info » diffusée à Radio-Canada sur la première chaine le 1 octobre 2013.
3-ICIS Base de données nationale sur les médecins par province en 2010-2011
4-Voir Cameron Daphné « Les médecins québécois parmi les moins bien payés au Canada » La Presse 22 janvier 2013.