Regardez-vous les débats des chefs? Je ne reviendrai pas sur les gagnants et les perdants. Mais plutôt sur le secteur manufacturier, dont il est régulièrement question dans le cadre de la campagne fédérale.
Avant les chiffres, un son de cloche du terrain. J'ai rencontré cette semaine Christine Poulin, qui est à la tête d'Immigration Élite. Elle travaille partout au Québec pour aider les entreprises à combler leurs besoins en main-d'oeuvre. «La demande est criante, m'a-t-elle rappelé. Personne ne veut travailler dans une usine pour un salaire de 18$ à 20$ l'heure.»
«Le manque de main-d'oeuvre est si important qu'il freine la croissance», m'a confirmé Daniel Chaîné, directeur général et commissaire industriel, CLD Robert-Cliche. Dans la MRC Robert-Cliche, le taux de chômage est inférieur à 4%.
Conséquence: les entreprises se tournent vers l'étranger pour pallier le manque de travailleurs. Or, les permis de travail temporaire sont valides pour quatre ans seulement. Après, pour rester, le travailleur doit réclamer un certificat de sélection du Québec. Le hic, c'est qu'en général ce travailleur ne l'obtient pas, car il n'est pas admissible aux catégories d'emplois établies par Québec. Le travailleur n'a donc pas le choix: il doit retourner chez lui. L'entreprise non plus n'a pas le choix: elle recrute de nouveau et forme un employé... qui ne restera probablement pas. C'est beaucoup de temps et d'argent gaspillé. De plus, même si les entreprises font preuve de créativité pour séduire les travailleurs, elles risquent fort de devoir délocaliser leur production.
Il est important de trouver des solutions, car le secteur manufacturier est névralgique. En 2014, il représentait 14% du PIB du Québec, selon une récente publication de Desjardins Études économiques. C'est moins qu'en 2002, alors qu'il constituait 20% de l'économie. Toutefois, ce secteur contribue à près de 80% des exportations du Québec. C'est énorme. «Sa performance est donc déterminante pour assurer à long terme la robustesse de l'économie», disent les économistes de Desjardins.
Cette semaine, j'ai choisi de mettre l'accent sur les défis du secteur manufacturier, actualité oblige. J'aurais pu souligner d'autres enjeux, car ils sont nombreux. Au cours d'un exercice unique, Les Affaires ainsi a demandé à l'Institut des générations de comparer l'économie d'aujourd'hui à celle que décrivait il y a 10 ans le manifeste «Pour un Québec lucide». Un prétexte pour faire un bilan de notre économie. Pour rappeler encore une fois qu'il est urgent d'agir. Et pour que toutes les générations se penchent sur la santé de notre économie.
Géraldine Martin
Éditrice adjointe et rédactrice en chef,
Groupe Les Affaires
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