Il s'extasie devant les grands espaces. Il aime le Québec, un peuple «sympathique et chaleureux». Il s'installe sur le Plateau et s'imagine vivre le grand rêve américain... Inutile d'aller plus loin, vous avez reconnu le portrait typique du Français qui débarque au Québec.
Il y a beaucoup de très belles histoires d'immigration, mais soyons honnêtes, il y a aussi du désenchantement. L'intégration n'est pas toujours facile. C'est le cas des particuliers français, mais c'est aussi le cas des entreprises françaises qui s'implantent ici. Elles sont de plus en plus nombreuses, et c'est une excellente nouvelle pour le Québec, car elles arrivent avec tout un bagage de connaissances très précieuses. Elles doivent toutefois s'adapter.
Tout est une question de culture, raconte François Boscher, qui est avocat chez BDG, un cabinet spécialisé dans l'accompagnement de firmes européennes qui veulent s'établir au Québec. «En France, lorsque tu as obtenu une rencontre avec le pdg, tu as fait 80 % du chemin. Il ne reste plus que 20 % pour conclure ton deal, raconte l'avocat d'origine française. Au Québec, c'est l'inverse. Tu as très vite un rendez-vous avec le dirigeant, mais il reste encore 80 % du travail à faire pour convaincre. C'est là que le travail commence et que les déceptions peuvent être grandes.»
Autre erreur fréquente : les entreprises françaises ont tendance à penser que, si leur marque est très connue en Europe, elle le sera forcément ici. Pourtant, «il faut souvent recommencer tout à zéro», mentionne M. Boscher.
Cela dit, la majorité des entreprises françaises finissent par s'adapter et connaissent de beaux succès ici. Les PME sont même de plus en plus nombreuses à venir s'y établir, note M. Boscher, dont le volume de dossiers a bondi d'un tiers depuis deux ans.
Question réflexe : les entreprises fuient-elles le gouvernement Hollande ? «Si elles fuyaient, elles n'iraient pas particulièrement au Québec, répond M. Boscher. Le Québec est une porte d'entrée sur l'Amérique.» L'Union européenne, c'est 500 millions de personnes, le marché de l'Accord de libre-échange nord-américain est aussi grand, tandis que le Québec, c'est «juste» 8 millions d'habitants.
Dans ce contexte, ne soyez pas étonnés de ce petit air de conquérant qu'adopte le Français lorsqu'il débarque. Oui, ce petit air de conquérant... Disons qu'il vise grand et nous en avons besoin. Je peux bien me moquer gentiment, je suis moi-même une maudite Française.
Géraldine Martin
Éditrice adjointe et rédactrice en chef,
Groupe Les Affaires
geraldine.martin@tc.tc
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