Le ministre Yves Bolduc remboursera plus de primes que ce qu'exige la loi, a annoncé mercredi le gouvernement. C'est malheureusement beaucoup moins que ce que commande l'éthique. Cette annonce vient couler la dernière bouée qui permettait à monsieur Bolduc d'espérer demeurer légitimement en fonctions.
Replaçons rapidement l'affaire. Du temps qu'il était dans l'opposition, Yves Bolduc est retourné à la pratique où il a pris en charge 1500 patients qui n'avaient pas de médecin de famille. En plus des honoraires liés au suivi de ces patients, monsieur Bolduc a reçu une prime de 100$ à 200$ par individu totalisant 215 000$.
Cette prime visait à solutionner le problème de pénurie de médecins de famille. Les règles la gouvernant stipulaient qu'elle n'était exigible que si les patients étaient suivis pour un minimum d'un an.
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Or, entre 300 et 400 patients de monsieur Bolduc ont été suivis moins d'un an.
Jusqu'à mercredi, on croyait que les 100$ à 200$ reçus pour ces 300-400 patients devraient être remboursés à 100% au trésor public. Surprise, les règles parlent plutôt d'un remboursement de 50%.
Dans un souci de bonne foi, et compte tenu du débat public, le ministre dit qu'il fera un don de charité pour le 50% manquant, et qu'il ne se prévaudra pas des crédits d'impôt reliés à la donation.
Certains se demanderont si le don ne devrait pas aller au trésor public plutôt qu'à un organisme de charité. Le cabinet explique qu'il sera fait à une œuvre en lien avec les patients. Il n'y a pas lieu de s'étendre en arguties.
C'est malheureusement insuffisant
C'est malheureusement insuffisant
La démarche de monsieur Bolduc est malheureusement insuffisante.
On a écrit quelques fois depuis le début de cette affaire que le véritable problème de monsieur Bolduc est qu'il avait abusé du système, et que, même en réparant totalement sa faute en monétaire (remboursement du 215 000$), il lui serait difficile de rester en fonctions.
Le programme d'incitation a été créé afin d'amener des médecins ayant des patients à en prendre davantage. Il s'agissait à l'époque d'ajouter quelque chose comme entre 100 et 150 patients à la liste de suivi d'un médecin. Un ajout de 10 à 15% par rapport à la moyenne québécoise de patients suivis par médecin (1100).
Le problème est que monsieur Bolduc a utilisé un programme destiné à convaincre les médecins d'alourdir leur tâche de 10-15% pour plutôt se construire à bonis 100% d'une clientèle.
Il est vrai que le but la politique (un ajout de 100-150 patients plutôt que la construction de 100% d'une clientèle) n'était pas écrit en toutes lettres dans celle-ci. La limite de patients éligibles au bonus n'a été portée à 150 qu'après les faits.
Même avant les précisions, et c'est ici le nœud de l'affaire, il était cependant évident que l'intention du programme n'était pas d'encourager la construction d'une clientèle importante et son abandon dans un horizon rapproché. Comment le gouvernement aurait-il pu en effet espérer régler son problème de médecins de famille en donnant une prime pour 1500 patients et en autorisant leur abandon un an plus tard?
Ça n'a aucun sens, et monsieur Bolduc, qui était ministre de la santé lors de l'élaboration du programme, pouvait difficilement ne pas se rendre compte qu'il était à risque de dénaturer totalement le programme et d'outrepasser déraisonnablement son objectif.
C'est ce qui allait se produire et conduire à l'abus de système actuel.
Un simple citoyen serait absous de faute puisqu'il n'y a pas eu transgression de règles légales. Ce n'est cependant pas les règles légales qui gouvernent la légitimité de représentation à l'Assemblée nationale, mais les règles d'éthique et de gouvernance. Un parlementaire qui dénature un programme en travestissant son objectif, alors même qu'il était responsable de sa mise en place, viole ces règles et abuse de la confiance du public.
Yves Bolduc aurait probablement pu éteindre le feu en remboursant la totalité de la prime et en indiquant qu'il avait agi un peu rapidement, sans trop réfléchir à l'objet du programme. Au pire, il aurait peut-être pu faire acte de contrition tout en précisant que la hauteur du remboursement demandé était actuellement trop élevée pour ses capacités.
Voilà malheureusement que, réflexion faite, il ferme définitivement la porte à un remboursement total et préfère continuer de prétendre qu'il n'a pas abusé du système. Il n'est plus possible d'éteindre le feu. L'abus de la confiance du public est confirmé.
Cette fois, il n'y a plus d'alternative à la démission. Il est surprenant que le premier ministre et le conseil des ministres cautionnent pareille situation.
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