C'est une autre tuile sur la crédibilité de la direction de Yellow Media qui s'est abattue mercredi avec l'annonce de l'abolition totale de son dividende, la diminution de 500 M$ de l'une de ses lignes de crédit et une radiation de valeur de près de 3 G$. Marc Tellier doit-il quitter?
Flashback, début du mois d'août. À la suite des résultats trimestriels, le titre de la société est en journée en descente de 40%, le dividende vient d'être coupé de 75% et Standard & Poor's vient d'envoyer les débentures au rang de junk bonds.
Sur la conférence téléphonique, le discours du patron de Yellow Media est toutefois teinté d'un optimisme d'une force telle qu'en cours d'entretien un analyste se sent obligé de poser la question:"Marc, pouvez-vous nous expliquer ce que vous voyez et qu'on ne comprend pas collectivement?".
Plus loin, un autre analyste s'interroge sur l'allusion d'une agence de notation à une revue des activités qui aurait cours au sein de Yellow Media. Monsieur Tellier demeure dans le registre du positivisme. Une revue des activités est effectivement en cours. Elle a pour but de mieux faire comprendre au marché les transformations en cours et de lui communiquer de meilleurs repères, répond-t-il en substance.
Devant l'étonnement de l'analyste, qui cherche plutôt poliment à savoir si des radiations sont en vue, le chef de la direction financière reconnaît finalement qu'il est possible qu'une radiation survienne. Mais pas nécessairement, ajoute-t-il. Et on passe à une discussion sur la réduction de la dette.
Cette potentielle radiation, incertaine avait-on précisé, s'est cristallisée mercredi: 2,9 G$. Vous avez bien lu: 2,9 G$. Et l'on n'était pas certain qu'une radiation s'en venait!
Bien que sans effet sur les liquidités, et tout de même en partie escomptée, elle n'a à l'évidence pas contribué à rassurer les banques, qui ont décidé de rappeler dans le temps une partie des lignes de crédit.
Autre flashback, au 31 mai cette fois.
Dans un communiqué concernant la vente de Trader, Yellow Media prend la peine de préciser que son dividende demeure à 0,65$ par action. Dans le contexte, c'est télégraphier au marché: n'ayez crainte, nous n'entendons pas toucher significativement au dividende.
Deux mois plus tard, ceux qui ont cru sont confondus. Le dividende tombe à 0,15$ par action.
Monsieur Tellier doit-il quitter?
Monsieur Tellier doit-il quitter?
La question se pose aujourd'hui avec beaucoup d'acuité. En vacances, on a un peu sourcillé le 6 septembre en lisant que le chef de direction financière, Christian Paupe, avait été remercié par le conseil d'administration.
Pourquoi?
Nulle explication. Il peut cependant être aujourd'hui avancé que c'est sur lui qu'on a décidé de faire porter la perte de crédibilité financière de la société.
Il y a peut-être d'autres motifs au congédiement, mais, sur l'aspect crédibilité, un seul individu ne peut être tenu responsable. Si un analyste pouvait sentir le risque d'une forte radiation il y a quelques semaines, toute la haute direction le voyait forcément aussi.
Dans le contexte, on ne voit pas comment monsieur Tellier peut être exonéré du reproche d'avoir ces derniers mois cherché à noyer le poisson et ainsi amené plusieurs investisseurs à se méprendre sur le potentiel de Yellow Media.
Cela dit, malgré l'opinion de ceux que l'on a croisé mercredi, lui demander de quitter serait une importante erreur.
Le plan de match en place est son plan (1), et nul mieux que lui ne peut l'exécuter. Dans sa situation actuelle, Yellow Media n'a plus réellement d'espace financier pour tergiverser avec un nouveau venu ou se lancer dans de nouveaux investissements. Elle n'a pas non plus d'espace pour une réorientation majeure de stratégie.
S'ajoute le fait qu'avec le remerciement du chef de la direction financière et le départ en mai du chef du marketing Stéphane Marceau, la cabine de pilotage commence à manquer de stratèges suffisamment au fait du fonctionnement de l'entreprise pour qu'on ne se perde pas trop dans la reconstruction.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, Yellow n'a probablement jamais eu autant besoin de Marc Tellier.
(1) Ce plan repose sur un programme baptisé Solution 360 qui vise à faire transiter les activités de Yellow Media du papier vers Internet. Il s'agit notamment pour les représentants de l'entreprise d'offrir aux petites et moyennes entreprises, non seulement du placement dans ses annuaires, mais aussi sur ses propres sites web (Redflagsdeal, Lespacs, etc.), de même que sur ceux avec lesquels elle a des partenariats (Yahoo!, Google, Bing).
Le pari est que dans un monde avec une multiplicité d'offres publicitaires Internet, les PME recherchent un guichet unique. Et Yellow Media croit que son guichet est l'un des plus attrayants au Canada.