La nouvelle n'a pas fait beaucoup de bruit au Québec, mais elle a causé beaucoup de remous dans les coulisses des marchés américains. Mauvaise nouvelle pour les profiteurs fiscaux, l'administration Obama lance une première attaque sur la mode des «inversions». Si on était Valeant, on deviendrait plus nerveux.
À l'ouverture des marchés, plusieurs yeux étaient braqués mardi matin sur les titres de Burger King et Tim Hortons.
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Le projet de fusion est le dernier d'une série de transactions aux États-Unis visant à permettre à des sociétés d'abaisser leur fardeau fiscal par le jeu d'une simple fiction. Pour une société américaine, l'opération permet de déplacer son lieu de résidence dans une juridiction au taux d'imposition moins élevé. Exemple: aux États-Unis, le taux d'imposition des compagnies est réputé être autour de 35%, alors que celui du Canada est autour de 26%.
Avec le changement de résidence, les établissements US devront continuer de payer de l'impôt sur leurs revenus US (35%), mais il y a quand même quelques avantages. La nouvelle société canadienne pourra faire un prêt à différentes filiales et les intérêts reçus ne sont pas imposés à un taux aussi élevé que par le passé. Contrairement aux États-Unis, les revenus de la nouvelle société canadiennes réalisés à l'étranger ne seront plus non plus imposés lorsqu'ils seront rapatriés pour réduire sa dette ou encore payer un dividende.
Dans le cas de Burger King et Tim Hortons, les avantages tirés de l'inversion ne pesaient apparemment pas très lourdement dans la décision de fusionner. Les deux sociétés ont rapidement indiqué que leur rapprochement était principalement motivé par les synergies, et qu'en conséquence le projet suivait son cours.
Si on était Valeant, on deviendrait plus nerveux
Si on était Valeant, on deviendrait plus nerveux
Certains diront que l'affaire des inversions est un épisode fiscal comme un autre, et que, le phénomène étant désormais contré, il n'y aura pas de suite à l'histoire.
On serait plutôt prêt à tenir le pari que le dossier est sur le point de prendre de l'ampleur. Et que ceux qui comptent sur les îles n'aimeront pas la suite.
L'affaire des inversions a tellement fait de bruit aux États-Unis, à cause d'entreprises comme Pfizer et Walgreen, que républicains et démocrates s'entendent maintenant sur deux choses: la nécessité de revoir le système fiscal américain et d'abaisser le fardeau fiscal des entreprises.
Il est vrai que les partis ne s'entendent pas sur le niveau d'abaissement. Les républicains aimeraient voir le taux d'imposition descendre à 25% alors que les démocrates jugent que 28% serait plus adéquat.
Peu importe, l'élément important ici est que tous s'entendent pour une baisse.
Qui dit baisse du taux des entreprises, dit malheureusement aussi baisse des revenus budgétaires. Où prendra-t-on l'argent pour compenser la chute des revenus en provenance des entreprises?
L'analyste Stéphanie Price, de CIBC Marchés mondiaux, évalue à 100 G$ les revenus que font perdre chaque année au trésor américain les stratégies utilisant les paradis fiscaux.
Voilà une source de compensation tentante.
Maintenant, pourquoi annonce-t-on en intertitre que si on était Valeant, on deviendrait nerveux?
Les paradis sont particulièrement utilisés par des sociétés de technologie et des pharmaceutiques. Le cas de la fausse québécoise Valeant est un exemple patent d'excès.
En acquérant Biovail en 2010, Valeant a transféré son siège social des États-Unis au Canada. Elle a aussi décidé d'envoyer ses droits de propriété intellectuelle dans les Bermudes (et a depuis ajouté quelques juridictions avantageuses comme l'Irlande).
Les revenus qu'elle tire de cette propriété intellectuelle (souvent par licences) sont imposés aux faibles taux des îles. Valeant ne paie ensuite pratiquement pas d'impôt au Canada puisque la loi canadienne prévoit qu'une société ayant des filiales offshore dans des juridictions qui coopèrent (au plan du secret bancaire) peut rapatrier leurs dividendes sans impôt.
Valeant se retrouve donc avec un taux d'imposition qui peut osciller entre 5% et 8%, alors que ses concurrentes sont soumises à des taux qui sont souvent quatre fois plus élevés.
Tout cela avec une haute direction qui demeure toujours, en bonne partie, basée aux États-Unis.
Un cas comme celui de Valeant constitue une illustration telle de concurrence déloyale, qu'il serait surprenant qu'on ne tente pas de s'y attaquer.
Il n'est pas dit que Valeant perdrait, mais, dans ses souliers, et ceux de ses actionnaires, on commencerait à être nerveux.
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