Une économie mondiale qui stagne, un dollar américain qui s'envole, un cours du pétrole qui s'effondre. Depuis le début de l'année, les revenus des sociétés du S&P 500 sont en recul. Conséquence : la croissance est devenue une rareté, et les investisseurs sont prêts à payer cher pour l'obtenir. Trop cher ? Voici 32 titres à considérer pour une vente à découvert.
La proposition vient du stratège américain de Barclays Capital, Jonathan Glionna. La note de recherche date de la fin juillet et a abouti sur notre bureau il y a quelques jours.
Pour plusieurs investisseurs, la recette de la réussite boursière est d'investir dans des sociétés dont les revenus et les bénéfices sont en forte croissance.
C'est une recette qui peut fonctionner, mais qui doit être utilisée avec prudence.
Si vous payez 20 fois le bénéfice d'une société et que sur deux ans celui-ci avance de 100 %, vous faites une bonne affaire. À la fin de la période, le titre ne se négocie plus qu'à 10 fois le bénéfice. C'est nettement sous la moyenne historique du marché, qui est de 15, et le potentiel de croissance de votre société dans l'avenir est en général toujours nettement plus intéressant que celui de l'ensemble du marché. Vous ferez pas mal d'argent. Si vous payez 30 fois le bénéfice cependant, que celui-ci ne progresse finalement que de 50 % et qu'à la fin de l'an 2, la direction annonce que pour l'exercice suivant les bénéfices reculeront en raison d'un changement de conditions de marché, vous êtes dans le trouble. Le titre sera à 20 fois les bénéfices, au-dessus de la moyenne historique de 15, avec des perspectives plus faibles que le marché en général. Attachez votre ceinture, la valeur de votre portefeuille reculera.
C'est ce qui fait que, personnellement, on a beaucoup de difficulté à acheter lorsque les multiples sont élevés. Et plus ils sont élevés, plus il faut être méfiant, dit le stratège.
Sur la base des revenus, les calculs de M. Glionna montrent que pour la période de mars 2014 à mai 2015, les 100 sociétés du S&P 500 qui ont les plus forts multiples ont généré des rendements supérieurs aux 100 sociétés de l'indice ayant les plus faibles multiples. Mais lorsqu'on étire la période sur 10 ans, les sociétés à forts multiples s'écrasent totalement.
Les investisseurs paient-ils actuellement trop cher ?
Va pour le principe. Mais comment déterminer si, actuellement, les investisseurs paient réellement trop cher pour la croissance ?
Deux exercices sont proposés.
M. Glionna divise d'abord le S&P 500 en quintile. Il forme cinq groupes de 100 sociétés, et les répartit de la plus forte à la plus faible croissance des revenus.
Il traque ensuite la performance de chacun des groupes sur trois ans (voir le graphique dans la colonne de gauche). Le groupe des 100 sociétés qui affiche la croissance de revenus la plus élevée se négocie aujourd'hui à un multiple médian de 21,1 fois les bénéfices. Le multiple médian du S&P 500 est pendant ce temps à 17,5 fois. Comme le montre le graphique, l'écart entre les deux repères est plus important que dans les trois dernières années. Une indication que le prix payé par les investisseurs pour la croissance est maintenant élevé.
L'autre exercice délaisse le multiple cours/bénéfices pour s'attarder au multiple cours/revenus. Le même classement est utilisé. On y découvre que les 100 sociétés dont les revenus croissent le plus fortement se négocient à un multiple médian de 3,5 fois les ventes. À titre comparatif, les quintiles 2, 3 et 4 se négocient à 2,4, 2,2 et 2 fois les ventes, respectivement. L'écart de multiple entre le premier groupe et les autres est trop élevé, estime M. Glionna, et montre également que les investisseurs paient trop cher actuellement pour la croissance.
Quels sont les titres trop chers ?
Ils sont identifiés dans le tableau 1. Essentiellement, le stratège retient ceux qui ont un cours/bénéfice de plus de 21, parce que 21 est le multiple médian des 100 sociétés qui ont la plus forte croissance des revenus. Leur ratio cours/revenus doit aussi être supérieur à 3,7, parce que 3,7 est le multiple médian des 100 sociétés qui ont la croissance des revenus la plus élevée.
Faut-il suivre la recommandation ?
On ne le ferait pas pour l'ensemble des 32 titres recommandés. Les deux exercices ne nous convainquent pas à 100 %. D'abord, parce que l'horizon de trois ans du premier (graphique 1) est un peu court. Ensuite, parce que l'écart des multiples (toujours au graphique 1), bien qu'en ce moment plus important que d'ordinaire, n'est pas démesurément important. La liste qui accompagne cette chronique peut cependant donner quelques idées à explorer. On reviendra peut-être plus en détails sur quelques-uns de ces titres dans une prochaine chronique.
Sur le radar
Les sociétés dont les revenus sont en croissance rapide sont chères par rapport à l'indice S&P 500
Les titres de sociétés en croissance rapide sont négociés à une prime substantielle par rapport aux autres titres
3.5 X Croiss. des revenus supérieure à 7,8 %
2.4 X Croiss. des revenus de 3,3 à 7,8 %
2.2 X Croiss. des revenus de 0,1 à 3,3 %
2.0 X Croiss. des revenus de -4.5 à 0,1 %
1.4 X Chute des revenus supérieure à 4,5 %
Sources : Factset, Barclays Research