BLOGUE. "Prépare-toi, c'est assez percutant!".
C'est ainsi que la collègue Valérie Lesage nous introduisait, mercredi après-midi, le contenu d'une allocution du maire de Québec, Régis Labeaume, devant la Chambre de commerce de Québec.
Pour être percutant, ça l'est en effet.
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Avec un argumentaire parfois un peu populiste, mais dans l'ensemble bien étayé, le maire vient de se mettre en campagne contre certains acquis syndicaux. Il n'y a pas que les syndicats de la Ville de Québec qui devraient trembler. Dans la foulée de sa croisade, les acquis syndicaux des autres municipalités et même ceux des grandes entreprises risquent de prochainement faire l'enjeu de solides batailles.
Les armes que demande le maire
Devant les gens d'affaires de Québec, monsieur Labeaume a balayé relativement large, parlant à la fois conditions de travail et sources de revenus. On reviendra une autre fois sur la question des revenus, histoire de ne pas compliquer les choses.
Essentiellement voici les munitions qu'il demande au gouvernement:
-Obtenir le droit au lock-out et celui de déterminer la liste des services essentiels (ce sont actuellement les syndicats qui la font);
-doter les villes d'arbitres permanents - et idéalement d'un comité formé de trois arbitres plutôt qu'un seul - pour la détermination des conditions de travail des policiers et des pompiers (ils n'ont pas droit de grève).
La première demande est claire. La seconde vise notamment à faire en sorte qu'un arbitre ne soit pas tenté d'être trop clément avec les syndicats. La désignation actuelle d'un arbitre est consensuelle, les syndicats doivent donner leur accord. Régis Labeaume estime qu'il peut être embêtant pour un arbitre d'être trop rigide avec un syndicat, cela place ses futurs mandats à risque. Remarquez qu'on peut aussi voir la chose à l'envers.
Pourquoi le maire est en croisade
Il dit avoir besoin de ces amendements afin d'améliorer son rapport de force avec les syndicats. L'objectif ultime apparaît être de dégager plus d'espace financier pour la Ville afin de lui permettre de poursuivre ses investissements dans les infrastructures et de mieux faire face au choc démographique qui s'annonce. Le tout, sans alourdir le fardeau fiscal du contribuable.
Ce que cible le maire
Ce que cible le maire
Si on était syndiqué, de la Ville, d'une autre municipalité, ou encore d'une grande entreprise, on ne verrait pas d'un très bon œil la croisade que s'apprête à entreprendre le maire.
C'est que lorsqu'il a quelque chose en tête, monsieur Labeaume n'est pas renommé pour laisser facilement aller le morceau. Et qu'il aura fort probablement en plus l'opinion publique derrière lui. Il n'a pas manqué de souligner mercredi que la rémunération globale des employés des villes est supérieure de 29,2% à celle des fonctionnaires du gouvernement du Québec, en s'appuyant sur des chiffres de l'Institut de la statistique du Québec.
S'il ne semble pas vouloir s'attaquer si fortement aux salaires (il parle de hausses minimes qui pourraient être accordées), le maire ne cache pas qu'avec le droit au lock-out, il veut notamment éliminer les planchers d'emplois et les limitations à la sous-traitance.
Surtout, et c'est là que ça devient plus inquiétant pour tous les syndicats, y compris ceux des grandes entreprises, monsieur Labeaume a en mire les régimes de retraite.
Non pas en attaquant les rentes gagnées (ce qui est gagné reste gagné), mais en attaquant particulièrement le renflouement des déficits actuariels. Le maire veut que les employés y contribuent à 50-50, alors que la situation actuelle dans les grandes entreprises est que l'employeur assume 100% de ces déficits.
Il y a là beaucoup d'argent en jeu. À titre d'exemple, en 2002 la contribution de la Ville de Québec au régime de retraite s'élevait annuellement à 21 M$. Elle est aujourd'hui à 93 M$ et elle pourrait atteindre 173 M$ d'ici sept à huit ans, alors qu'un déficit actuariel plus important s'annonce. La croissance de la contribution n'est pas uniquement due au déficit actuariel, mais on peut quand même entrevoir son poids.
Avec la démarche du maire de Québec pour obtenir cette contribution de 50%, c'est toute la responsabilité des grands régimes de retraite du Québec qui risque d'être modifiée.