EBay qui essaime PayPal, Time Warner qui fait de même avec Time, Hewlett-Packard qui se scinde en deux. Spin, spin, spin, la mode est aux spin-off ces jours-ci sur Wall Street, et les rendements sont étonnants.
Si la tendance se maintient, ce sont 62 sociétés qui, à la fin de 2014, auront procédé à des essaimages aux États-Unis, selon la firme Spin-off Research. Un record depuis 2000.
Avant de tenter de cerner l'origine de l'explosion, quelques explications sur ce qu'est un spin-off.
Essentiellement, il s'agit d'amener sur le marché boursier une ou plusieurs filiales qui ne s'y trouvaient pas. L'opération n'a pas de conséquence fiscale pour la société mère, ni pour la nouvelle entité publique.
D'ordinaire, 100 % des actions de la nouvelle entreprise sont distribuées aux actionnaires de la société mère sous forme de dividende. Il arrivera de temps à autres toutefois que la société mère se réserve une participation dans la nouvelle entité.
Pourquoi un essaimage ?
Quelques motifs sont souvent évoqués.
Les conglomérats ont généralement un escompte appliqué à leur action. C'est-à-dire que le marché ne reconnaît pas la valeur de chacune des sociétés détenues. Envoyer une filiale en Bourse peut permettre de diminuer cet escompte, puisque sa pleine valeur se retrouve entre les mains des actionnaires.
Le motif sera aussi parfois stratégique. La théorie veut qu'un essaimage permette à chacune des sociétés de focaliser sur ses propres stratégies et forces. La filiale ne sera plus ralentie par la société mère, et la direction de la société mère ne sera plus distraite par la filiale.
Pourquoi plus de spin-off à ce moment-ci ?
L'équipe de stratèges quantitatifs de la Deutsche Bank s'est récemment penchée sur le phénomène et en arrive à quelques explications.
Le marché est près d'un sommet de tous les temps. Mieux vaut essaimer dans un marché optimiste que pessimiste. C'est tentant pour les directions des entreprises.
Même si la Bourse est à de hauts niveaux, les doutes demeurent quant à la force de l'économie mondiale, et les directions des sociétés cherchent de nouvelles stratégies pour optimiser leurs activités et maximiser la valeur des actionnaires.
Tous auront enfin remarqué que l'on assiste ces derniers mois à une augmentation du nombre d'investisseurs activistes. Eux aussi poussent dans le dos des directions.
Faut-il investir dans des sociétés qui se séparent ?
Dans les sociétés mères, ce n'est pas évident. Parfois oui, parfois non.
Pour les sociétés essaimées, l'examen mené par la Deutsche Bank fait presque tomber de sa chaise.
Il ne faut surtout pas investir au tout début d'une opération. Les premiers pas en Bourse de la nouvelle société se font généralement vers l'arrière. Les actionnaires de l'entreprise mère ne sont souvent pas très intéressés par les activités de la filiale et vendront leurs actions. Si la nouvelle entité ne demeure pas dans le même indice que l'entreprise mère (ce qui est souvent le cas), de nombreux gestionnaires de fonds indiciels vendent également. Si bien que l'offre dépasse la demande.
À plus long terme, c'est autre chose.
Les analystes ont reconstitué un portefeuille de sociétés essaimées depuis 10 ans.
Les sociétés retenues devaient s'être détachées de la maison mère depuis un an afin de s'assurer de la stabilisation des cours. Elles devaient aussi faire partie du Russell 3000, indice des petites capitalisations américaines. On conservait les titres des sociétés sur une période de trois ans, et ensuite on les sortait du portefeuille.
Résultat des courses ?
Sur 10 ans, pendant que l'indice Russell 3000 livrait un rendement annuel composé de 8,4 %, le portefeuille de spin-off générait un rendement de 17,8 %.
Autrement dit, après 10 ans, chaque dollar investi dans l'indice valait environ 2 $, alors que dans le portefeuille, il en valait 6,50 $.
Comment jouer le phénomène ?
Il n'y a malheureusement que peu de façons de le faire.
Il existe un fonds négocié en Bourse (FNB) qui permet d'investir dans un panier de nouvelles sociétés. Le Guggenheim Spin-Off ETF (CSD, 45,48 $ US) est un FNB de 500 M$ US qui traque la performance de sociétés essaimées au cours des 30 derniers mois, avec un minimum de six mois d'existence propre. À 3,6 %, sa performance sur un an est modeste, mais à 26,9 % et 22,5 % annuellement, les performances sur trois et cinq ans sont exceptionnelles.
Évidemment, celui qui n'aime pas jouer les paniers d'actions, peut décider de se servir du prospectus du fonds pour investir dans les titres individuels qu'il croît les meilleurs.
Un rendement assuré ?
Humm... Les rendements du passé ne sont jamais garants des rendements de l'avenir. Parce qu'elles font partie du marché, les sociétés essaimées ont aussi enflé avec celui-ci. Elles valent plus cher qu'historiquement. Qui plus est, quand un phénomène devient mode, c'est généralement mauvais signe : on risque prochainement de trouver plus d'ivraie dans les nouvelles fournées d'essaimage.
À 16,1 fois les bénéfices prévus, le multiple du FNB ne semble cependant pas très élevé compte tenu de la force de la performance passée par rapport au marché en général.
Conclusion : la performance passée ne pourra probablement pas être répétée, mais la probabilité d'obtenir un meilleur rendement que le marché en général semble intéressante.
Sur le radar
Guggenheim Spin-Off ETF (CSD, 45,48 $ US)
Le FNB sur cinq ans
Performance annuelle (au 29 octobre)
1 an 3,6 %
3 ans 26,9 %
5 ans 22,5 %
Source : Bloomberg