Blogue. L'enthousiasme des derniers jours quant aux résultats du sommet européen qui s'ouvre ce jeudi est excessif. Les risques de déception sont assez élevés.
Un document du président de l'Union européenne, Herman Van Rompuy, qui fait le point sur les progrès accomplis dans les derniers mois et ceux à accomplir, résume assez bien ce dont on devrait discuter (voir plus haut le document en PDF).
Essentiellement on y constate qu'une bonne part des échanges touchera la nécessité de renforcer les mécanismes de contrôle des finances publiques.
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Les pays doivent notamment discuter d'implanter graduellement dans le temps la règle du déficit zéro. À ce jour, il était permis aux pays d'être déficitaires en fonction d'un certain pourcentage du PIB.
Non seulement parle-t-on d'une nouvelle règle du déficit zéro, mais on y ajoute des règles qui font en sorte qu'un comité européen puisse forcer des changements à un budget avant qu'il ne soit adopté par un gouvernement dont la situation financière est précaire. Dans le cas de dépassements budgétaires, une cour de justice nationale (on ne semble pas parler de la Cour de justice européenne) aurait en outre charge de forcer la mise en œuvre des mesures contingentes préalablement identifiées par chacun des États pour fermer un éventuel déficit.
Pareil mécanisme permettrait à terme de ramener la dette de chacun des pays sous le niveau des 60% du PIB.
Côté souveraineté, ce n'est pas une petite concession pour certains pays. Soumettre son budget à un organisme paneuropéen ne sera sûrement pas un automatisme. C'est comme si on demandait au Québec de faire approuver son budget par une organisation supra nationale pancanadienne.
Là où l'attente est trop grande
Il sera intéressant de voir si l'on peut s'entendre sur de nouvelles règles du genre.
Les attentes les plus importantes semblent cependant d'ordre financier. Au-delà de nouvelles règles, quels mécanismes de financement faut-il adopter pour sortir de la crise financière sans entrer dans une profonde récession?
À ce chapitre, on devrait discuter de la mise en place d'un nouvel organe, le Mécanisme de stabilité européen (MSE), qui viendra en relais au Fonds européen de stabilité financière (FESF).
Le FESF était doté d'une capacité de prêt de 250 milliards d'euros. Les deux fonds ne devaient initialement pas avoir une capacité de prêts consolidée supérieure à 500 milliards d'euros. On aimerait maintenant porter cette capacité au-delà. En y injectant plus d'argent, tout en en ajoutant aussi des sommes à la caisse du Fonds monétaire international (FMI).
Augmenter la capitalisation de ces fonds est en soi un défi pour des pays qui sont déjà déficitaires. Particulièrement pour la France qui bataille pour maintenir sa cote de crédit AAA.
Comme si ce n'était pas assez, on veut en plus permettre au MSE d'emprunter à la Banque centrale européenne. Il serait surprenant que les Allemands disent oui à pareille proposition. Le traité de l'Union ne permet pas à la banque centrale de jouer le rôle de prêteur de dernier recours auprès des États (auprès des banques oui, mais pas auprès des États). Permettre à ce fond d'emprunter à la banque centrale serait faire indirectement ce qui est directement interdit. Ce serait surtout imprimer de l'argent, ce que l'Allemagne se refuse à faire.
Notre aperçu de solution
Notre aperçu de solution
Plus on y regarde, plus il apparaît qu'il faudra un jour en venir à une solution où la banque centrale européenne agira à titre de prêteur d'urgence (que ce soit par le MSE ou plus directement). Pour prendre en charge ou garantir les nouveaux emprunts des États faibles rendus nécessaires par les déficits qu'ils feront sur la route de l'atteinte du déficit zéro.
Préalablement, il faudrait cependant négocier avec les créanciers de ces pays des ententes à l'effet qu'ils reconduisent à long terme les prêts actuels qui viendront à échéance dans les prochaines années. Et ce, à des taux d'intérêt avantageux.
Cette façon de faire serait gagnante pour les banques, qui éviteraient de devoir prendre une perte potentiellement beaucoup plus importante à leurs livres. Elle aurait aussi pour effet d'amoindrir l'impact des mesures qui doivent être prises par les États et conséquemment de diminuer l'impact négatif sur leur PIB. On génère en effet plus d'activité économique en maintenant un service public qu'en payant de l'intérêt…
On le voit, on est cependant très loin d'une solution du genre. À l'heure actuelle, dans le meilleur des scénarios, le sommet actuel permettra à la banque centrale européenne de financer le MSE jusqu'à une certaine hauteur. Ce plafond fera cependant en sorte que les banques européennes ne feront pas davantage de prêts qu'à l'heure actuelle et qu'on atteindra assez rapidement le plafond. Plus d'incertitude sera alors dans le marché, et les PIB des États auront davantage souffert.
L'Europe doit préparer une solution globale d'étalement de dette à faible taux à présenter aux banques créancières de ses maillons faibles. C'est à ce moment seulement qu'un progrès réel pourra être envisagé.
Dans l'intérim, les autres mesures risquent de réjouir sur le moment, mais décevoir plus tard.