BLOGUE. Tandis que de nouvelles allégations de corruption font surface, à moins d'une surprise de dernière minute, le patron de SNC-Lavalin partira avec une indemnité de départ de 4,9 M$ sans que l'on sache trop le rôle qu'il a joué dans toute cette saga. Que fait donc la Caisse de dépôt?
De nouvelles allégations de corruption ont fait surface lundi avec le témoignage d'un entrepreneur tunisien au Globe and Mail. Wajdi Chortani dit avoir été invité à verser un pot-de-vin de 100 000$ pour pouvoir participer au contrat de construction d'une centrale électrique au gaz naturel de 320 M$. L'affaire avait été rapportée par La Presse il y a quelques semaines, mais n'avait pas semblé être repérée par les agences de presse.
SUIVRE SUR TWITTER: F_POULIOT
Cette fois les allégations ne font pas état de possibles pots-de-vin payés par des agents de SNC-Lavalin. Elles pointent directement l'un des employés de SNC, Anis Mahmoud. Monsieur Mahmoud était apparemment le bras droit de Riadh Ben Aissa, récemment remercié par le fleuron québécois en relation avec ces paiements de 56 M$ dont on est incapable d'expliquer le motif.
Il est difficile de conclure sur la base d'un seul témoignage. Le développement survient néanmoins à quelques jours de l'assemblée annuelle des actionnaires et n'est pas sans soulever des interrogations sur l'inertie de l'actionnariat institutionnel.
Lors de l'assemblée, le 3 mai, les actionnaires doivent notamment entériner le paiement d'une indemnité de départ de 4,9 M$ à l'ancien président Pierre Duhaime. Monsieur Duhaime a été relevé de ses fonctions, il y a quelques semaines, parce qu'il a personnellement autorisé des paiements inexpliqués de 56 M$.
L'ancien dirigeant n'a pas nécessairement commis une faute lourde dans l'exécution de sa tâche, et il est possible qu'il ait droit à cette indemnité. Il est cependant également possible qu'il ait commis une faute lourde, et, dans ce cas, l'indemnité devrait lui être, sinon totalement refusée, à tout le moins substantiellement réduite.
La difficulté dans toute cette histoire réside dans le silence de SNC quant au témoignage de monsieur Duhaime. Il est réputé avoir collaboré à l'enquête. Alors: savait-il à quoi était destiné cet argent et comment il avait été utilisé? Était-il au courant d'activités de corruption ou de potentielles activités de corruption?
Rien dans les indications fournies par le conseil d'administration ne permet de savoir ce qu'il a dit.
En l'absence de ces indications, l'indemnité de départ versée à l'ancien chef de direction est susceptible de donner l'impression soit d'un cadeau fait à quelqu'un qu'on aimait bien, soit d'un achat de silence.
La crédibilité de l'entreprise est en jeu. Particulièrement alors que cette absence de détails fait suite à une étrange incohérence où le conseil d'administration a induit l'actionnariat et le public en erreur. Le 26 mars, le communiqué de presse de l'entreprise indiquait: "que M. Pierre Duhaime a démissionné de sa fonction". La circulaire indique plutôt maintenant "qu'il a été relevé de ses fonctions".
Les actionnaires institutionnels de SNC-Lavalin semblent demeurer inactifs dans la crainte que trop de remous ne ternissent la réputation de l'entreprise. Celle-ci risquerait alors de voir son carnet de commandes fondre et la valeur de son action faire de même.
C'est au contraire l'inertie qui risque de nuire à la firme d'ingénierie. Il faut éliminer les doutes quant à la probité de SNC et s'assurer que son conseil d'administration n'est pas en partie en train de cautionner des actes inappropriés.
Au 31 décembre 2011, la Caisse de dépôt avait une participation évaluée à 453 M$ dans SNC et détenait 5,8% de son capital-actions.
La Caisse a l'obligation d'exiger des sociétés dans lesquelles elle investit un très haut niveau de gouvernance. Plus encore s'il s'agit d'un fleuron québécois. Elle doit poser la question: qu'a dit au juste monsieur Duhaime au sujet de ces paiements de 56 M$?
On verra ensuite si d'autres actions sont nécessaires.