La GRC porte des accusations criminelles. Il n'en fallait pas plus pour que le titre de SNC-Lavalin retourne à son creux de la dernière année. Les actionnaires devraient-ils trembler ?
Il y a réellement matière à préoccupation.
Particulièrement sous deux chefs.
1 - Advenant une condamnation, quelle serait l'ampleur des pénalités financières ?
2 - Toujours advenant une condamnation, l'entreprise pourrait-elle continuer à soumissionner sur des contrats publics au Canada et à l'étranger ?
Voyons chacune des questions.
Quelle serait l'ampleur d'éventuelles pénalités ?
Dans l'éventualité d'une condamnation, SNC-Lavalin devrait payer certains montants en amendes criminelles. Rien ne garantit que l'affaire s'arrêterait là, puisqu'il pourrait également y avoir des recours civils.
D'autant que SNC a aussi été éclaboussée par la commission Charbonneau pour certains de ses agissements et que les autorités chercheront peut-être à récupérer de l'argent au nom des contribuables dans ces dossiers.
Maxim Sytchev, de Dundee, croit que toute pénalité de moins de 300 M$ pourrait être vue positivement par le marché. Sa recension des règlements intervenus dans d'autres grandes affaires de corruption fait état d'une médiane de règlement à 1,9 fois la valeur du pot-de-vin. Les accusations portées contre SNC totalisent 176 M$, ce qui pourrait placer la pénalité à 350 M$.
Des pénalités de 300 à 400 M$ ne représentent qu'environ 5 % de la valeur boursière de SNC, et cette valeur boursière semble déjà tenir compte d'une pénalité de cette ampleur.
Il y a le risque d'autres poursuites civiles, mais quelque chose nous dit que les autorités locales, à tout le moins, ne voudront pas mettre trop de pression sur SNC.
Sur ce chef donc, la menace semble déjà comprise dans les cours.
SNC-Lavalin pourrait-elle continuer à soumissionner sur des contrats publics ?
Beaucoup d'encre a coulé à propos de cette situation. Si l'on a bien compris, il n'y aurait pas trop de problèmes au Québec, où l'Autorité des marchés financiers dit avoir déjà tenu compte de la situation.
C'est différent à Ottawa, où la politique des Travaux publics et Services gouvernementaux prévoit un bannissement pour 10 ans de toute société reconnue coupable de corruption.
C'est majeur. Anthony Zicha, de Scotia, évalue que le créneau Infrastructures et Construction de SNC est principalement constitué de contrats fédéraux. Ces activités représentent 22 % des revenus prévus de SNC pour 2015. Et on ne parle pas d'éventuels contrats dans d'autres divisions.
S'ajoute aussi une interrogation quant à l'impact d'une condamnation sur la capacité de SNC de soumissionner à l'étranger. Les Américains et les Britanniques ont l'habitude de régler hors cours leurs poursuites criminelles en vertu d'accords de poursuite différés (deferred prosecution agreements). Il y a d'importantes pénalités financières, mais aucune reconnaissance de culpabilité. Ce qui permet aux délinquantes de maintenir leur réputation à la hauteur des politiques des donneurs d'ouvrage. Contrairement aux sociétés étrangères, SNC n'a pas cette option de contournement puisque le deferred prosecution agreement n'existe pas au Canada.
Grand danger ?
Quelque chose nous dit qu'Ottawa va modifier sa politique de Travaux publics et permettre aux sociétés qui se sont amendées d'échapper au bannissement.
Le risque semble davantage pour l'international, et on est actuellement incapable de dire avec certitude s'il est petit ou grand. Tout dépend des pays et de ce que prévoit leur politique d'octroi de contrats quant à un verdict de culpabilité.
Et comme si ce n'était pas assez...
Un malheur n'arrive jamais seul, dit l'adage. En parallèle aux accusations, une autre déveine, tout aussi importante, pèse sur le titre du géant montréalais du génie-conseil : l'acquisition de l'européenne Kentz et la décision de l'OPEP de ne plus soutenir les prix du pétrole.
Cette acquisition de 2,1 G$ US (survenue à l'automne) avait du potentiel à long terme, mais n'était pas sans risque. SNC a payé 10,4 fois le bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement (BAIIA) pour Kentz, alors que ses propres activités d'ingénierie se négociaient à une valeur estimée tout juste au-dessus de 5 fois le BAIIA.
Si vous payez quelque chose 10 fois le bénéfice et que le marché décide d'appliquer à ce bénéfice votre multiple de 5 plutôt que celui de 10, vous venez de détruire passablement de la valeur.
Le pari de SNC, auquel on croyait personnellement, était qu'avec le temps le multiple appliqué à ses propres activités augmenterait, grâce à la croissance de Kentz et à une augmentation de la confiance dans l'avenir. Et que l'affaire deviendrait fort payante.
Malheureusement, 16 % des revenus de Kentz proviennent du secteur minier, un créneau qui traîne la patte ces jours-ci. Surtout, 24 % proviennent du secteur pétrole et gaz.
Ce qui devait soulever le titre vient maintenant le couler. Non seulement le multiple de Kentz est appelé à fondre, mais son carnet de commandes et ses bénéfices aussi.
En fait, il ne serait pas étonnant de voir SNC forcée un jour de prendre une bonne radiation relativement à cette acquisition.
C'est situation, combinée aux accusations récentes de la GRC, devrait maintenir le titre au plancher pour un bout de temps.
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Source : Bloomberg