Le Québec a dans le passé su prendre des risques « intelligents, calculés et avisés ». Il devrait poursuivre sur cette voie en créant un fonds des hydrocarbures qui pourrait rapporter à tous ses citoyens.
Telle est la proposition formulée en début de semaine par le président de l’Association pétrolière et gazière, Lucien Bouchard.
L’ancien premier ministre croit que les Québécois seraient plus réceptifs à l’exploitation des gaz de schiste s’il y avait plus d’assurance qu’ils tireront des bénéfices importants de leur exploitation.
Regard sur le potentiel
Monsieur Bouchard ne précise pas comment devrait être organisé ce fonds, ni quel devrait être son importance. Il laisse le soin au gouvernement.
La première question qui vient à l’esprit est évidemment : peut-on faire de l’argent avec les gaz de schiste?
Le prix du gaz naturel en Amérique du nord continue sa traversée du désert, alors qu’il se maintient sous les 4$ US le millier de pieds cubes.
On croyait il y a quelques mois que les choses finiraient par se calmer étant donné la non rentabilité de producteurs gaziers. Voilà que dernièrement les forages sont cependant de nouveau en hausse et que des maisons comme Benchmark Securities reportent leurs espoirs de rebond à la fin 2013, début 2014. Les stocks de gaz naturels sont tout simplement trop élevés en Amérique du nord.
On le disait, tout n’est pas sans espoir. Il se pourrait que des producteurs plus traditionnels tombent au combat. Il est aussi assez incroyable de constater une différence de 12 à 14$ US entre le prix du gaz naturel vendu aux États-Unis et celui en Asie-Pacifique. À l’évidence, un tel écart est insoutenable et les stocks nord-américains pourraient à terme être significativement abaissés si l’on se met à construire des terminaux méthaniers pour ces marchés.
Il y a cependant lieu d’être lucide dans nos espoirs.
Il serait étonnant qu’il n’y ait pas de schiste dans l’Asie-Pacifique et qu’éventuellement l’exploitation ne s’y transporte pas.
Surtout, même avec une reprise du prix du gaz naturel, on peut se demander ce qui pourrait amener des sociétés étrangères (elles détiennent l’expertise) à venir effectuer des forages d’exploitation au Québec. Notre manque d’échelle fait qu’il sera pendant un bon bout de temps plus payant pour elles d’aller forer sur les autres cibles nord américaines (Marcellus, Fayetteville, Montney, etc.). Sans compter qu’au terme de l’évaluation environnementale stratégique en cours, nous serons vraisemblablement la juridiction avec le cadre réglementaire le plus serré et, conséquemment, le plus cher en Amérique.
À oublier la suggestion de monsieur Bouchard?
À oublier la suggestion de monsieur Bouchard?
À grande échelle, on ne voit pas trop comment cela peut se faire.
À plus petite échelle, peut-être. Ressusciter la Société québécoise d’initiative pétrolière (SOQUIP) ne serait peut-être pas fou. Sa cousine, Soquem, a beaucoup fait dans la construction du Québec minier d’aujourd’hui. Sa seule présence a donné de la crédibilité à des projets, et conduit à leur financement. Ces projets ont à leur tour porté fruit et leur succès a permis à d’autres projets de naître en périphérie.
La création d’une nouvelle Soquip nous permettrait en outre de se construire une expertise dans le secteur.
Il faudrait cependant expliquer aux Québécois qu’il ne s’agit pas d’un investissement traditionnel avec des retombées quasi assurées pour les générations de demain, mais d’un investissement en recherche et développement. Et que, comme tout investissement en R&D, la probabilité d’insuccès est très élevée.
Il deviendrait alors plus clair qu’il s’agit d’un risque très spéculatif. Ce qui ne l’empêcherait pas d’être « intelligent, mesuré et avisé ».
En cas d’échec, les réputations des vendeurs du projet seraient mieux protégées et cela éviterait qu’on rate d’autres rendez-vous potentiellement porteurs pour le Québec en raison d’une opinion publique qui se serait sentie trompée et ne voudrait plus s’y faire prendre.