Le gouvernement du Québec a-t-il l'espace financier nécessaire pour doubler son offre aux employés de l'État?
C'est avec cette question à l'esprit qu'on a assisté, il y a quelques jours, à un briefing technique de l'équipe de négociation du Conseil du trésor.
Jusqu'à il n'y a pas si longtemps, on suspectait que le gouvernement chercherait à minimiser le 1,2 G$ de dépenses qu'il a encore à identifier pour arriver à l'équilibre, en maintenant une ligne assez ferme sur son offre aux salariés de l'État (0% en 2015-16, 0% l'année suivante et 1% pour chacune des trois autres).
Des échos de presse indiquaient toutefois récemment que le ministre Martin Coiteux avait envoyé dans chacun des ministères des demandes de réduction pour récupérer la somme manquante.
Cette interrogation éliminée, il ne restait donc plus qu'à tenter de voir quel espace de négociation s'était réservé le gouvernement lors du dépôt de son offre.
-Quel est l'espace de manoeuvre que vous avez pour bonifier votre offre?, a-t-on demandé aux représentants du ministère.
Évidemment, il n'y a pas eu de réponse. Chou blanc dans notre expédition.
Jusqu'à ce que le hasard nous mette sur le chemin d'un économiste qui avait un peu examiné les chiffres.
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Tentons de voir l'espace.
À première vue, on pourrait tripler l'offre
En ajoutant une année aux prévisions budgétaires de la dernière mise à jour économique (avec une croissance des dépenses de 2,8%, comme dans les précédentes), on en arrive à la lecture suivante: les dépenses de programme passent de 65,7 G$ à 73,5 G$ en 2019-2020. Cette évolution représente une augmentation de 7,8 G$ sur cinq ans, soit l'horizon couvert par les offres patronales. En présumant que la masse salariale de l'État continue de représenter 60% des dépenses de programme (il n'y a aucune indication contraire à cet effet), c'est donc 4,7 G$ qui semblent disponibles pour financer les augmentations de salaire des employés de l'État.
Or, la proposition gouvernementale n'est actuellement que de 1,5G$ sur cinq ans (en incluant 380 M$ liés à l'ajustement pour l'inflation prévu à la fin de la dernière convention).
Québec pourrait donc offrir 3G$ de plus que ce qu'il offre. Autrement dit, il peut tripler sa proposition.
Oui, mais, c'est trop beau pour être vrai
Oui, mais c'est trop beau pour être vrai
N'allons cependant pas trop vite en affaires.
Il est possible que cet espace de 3 G$ ne soit pas entièrement disponible pour des augmentations de salaires globales de façon uniformisée.
Il doit aussi servir à absorber d'éventuels ajustements salariaux. On sait par exemple que les médecins ont réglé pour un réajustement salarial de 1,2 G$ sur 8 ans.
Un autre réajustement est du domaine public: celui des éducatrices en garderie où les revendications semblent assez importantes.
Et il y en a peut-être d'autres qu'on ne voit pas encore, mais que l'État suspecte et qu'il se doit de provisionner par prudence.
Dernier point, il est possible que l'effectif de la fonction publique augmente, ce qui viendrait encore manger dans l'espace de majoration. Le gel d'effectif décrété vient cependant théoriquement éliminer cette possibilité.
Au final?
En enlevant 750 M$ pour absorber les hausses de conditions des médecins (on enlève probablement un peu trop ici, les augmentations étant apparemment plus importante en fin de période qu'au début), en réservant arbitrairement un 500 M$ pour les garderies et autres réclamations d'ajustements de corps de profession dont on peut ne pas encore avoir entendu parler, il reste 1,75 G$ du 3 G$ d'espace sur le cadre budgétaire.
C'est toujours plus du double que le 1,5 G$ offert par Québec.
À vue d'œil, Québec semble donc pouvoir faire une offre qui double l'offre actuelle.
Le double voudrait dire autour de 0% en 15-16, idem en 16-17 et 2% pour chacune des trois années suivantes. Ou encore un peu moins pour les trois dernières années et un peu plus pour les deux premières.
Ce n'est pas le Klondike, mais la capacité de l'État étant ce qu'elle est, quelque chose nous dit que c'est dans ces eaux que ça règlera ou décrètera.
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