Il y aura encore beaucoup de bruit dans les prochains jours et prochaines semaines, mais le débat sur les régimes de retraite des municipalités est maintenant réglé. Les syndicats et retraités perdront la bataille. Entre-temps, les parlementaires assignés au dossier devraient vraiment réfléchir sur la qualité de leur travail, qui, en commission parlementaire, a été fort décevante.
Avant le savon aux députés, allons au fond.
Pourquoi affirme-t-on que les syndicats et retraités viennent de perdre la bataille?
Un nom: Alban D'Amours.
Le témoignage du président du groupe de travail sur les régimes de retraite, et ancien grand patron de Desjardins, était grandement attendu.
Le projet de loi allait plus loin que le rapport de son groupe sur un certain nombre de points, qui sont en fait le cœur du bras de fer.
Dans son rapport, monsieur D'Amours suggérait que l'indexation pourrait être enlevée aux retraités, mais à la suite d'un vote des retraités comportant une bonne majorité de consentements. Le projet de loi du gouvernement décrète l'annulation de l'annulation, sans nécessité de consentement. Alban D'amours a estimé que la mesure était nécessaire.
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En fait, il a indiqué que le droit de l'employeur de suspendre l'indexation "devrait être en fonction de la situation financière du régime", mais il a plus tard indiqué qu'un régime en bonne santé financière devait être capitalisé à 100%. Du moment qu'un déficit existe, à moins qu'il ne soit lilliputien, on voit mal comment la très grande majorité des retraités ayant une indexation ne la perdront pas.
Cette déclaration à l'effet qu'un régime en santé devait être capitalisé à 100% est aussi venue fortement miner l'argumentaire des syndicats, à l'effet qu'un régime capitalisé à 85% était un régime en santé. Les compressions davantages auraient été moindres dans cette situation, mais monsieur D'Amours n'a pas bronché.
L'ancien président de Desjardins est aussi venu donner son aval à la mesure qui prévoit que le coût maximum du service de retraite (incluant les cotisations de renflouement) devrait être de 18% de la masse salariale (20% pour les policiers pompiers). Son avis était particulièrement attendu sur cette question qui force des régimes non déficitaires à quand même significativement abandonner des avantages.
Enfin, même si des proportions spécifiques n'ont pas été mentionnées, on a compris qu'il était d'accord avec un partage 50-50 du déficit passé.
À titre de président de Desjardins, monsieur D'Amours a longtemps eu à arbitrer les impératifs financiers du Mouvement avec ses impératifs coopératifs et sociaux. En donnant sa bénédiction aux principaux éléments controversés du projet de loi, il envoie au grand public un important signal d'acceptabilité sociale. Avec une image déjà ternie par des moyens de pression excessifs, monsieur D'Amours était pas mal le dernier espoir des syndicats d'infléchir, du moins partiellement, le gouvernement.
Le très décevant travail des parlementaires
Le très décevant travail des parlementaires
Ce qui aura le plus marqué cette commission parlementaire est cependant le très mauvais travail des élus de l'Assemblée nationale.
Dès le départ, on a bien senti qu'à part le ministre Pierre Moreau, les députés possédaient mal leur dossier.
Il est en outre étonnant que l'ancienne ministre Agnès Maltais, qui était responsable du dossier jusqu'à la défaite électorale, n'ait pas été sur le banc du PQ.
Les maires des municipalités ont beaucoup insisté sur l'importance des conditions des employés municipaux. Le maire de Québec, Régis Labeaume, est d'ailleurs à plusieurs reprises revenu sur le fait que leur rémunération était de 38% supérieure à celle des employés du gouvernement du Québec.
À la fois Montréal et Québec ont également à juste titre fait valoir que le compte de taxes avait beaucoup grimpé ces dernières années à cause des régimes de retraite.
Personne chez les parlementaires n'a cependant semblé réaliser que les municipalités se gardaient d'indiquer que le projet de loi était sur le point, non pas de garantir la pérennité des retraites, mais plutôt de leur permettre de réaliser un intéressant coup d'argent.
-Combien d'argent le partage 50-50 des déficits et la règle du 18% de la masse salariale permettront-il aux Villes de Québec et Montréal de récupérer par rapport à ce qu'elles paient actuellement? Où sera affecté cet argent récupéré?
-Quel sera l'impact de l'opération de réduction des régimes de retraite quant au positionnement des travailleurs municipaux par rapport aux autres travailleurs? Où les municipaux se situeront-ils après coup face à la rémunération des syndiqués du privé (qui est 21,7% plus élevée que celle des fonctionnaires ) ou de celle du fédéral (qui est 22% plus élevée qu'au provincial)?
Aussi incroyable que cela puisse paraître, ces questions n'ont jamais été posées.
Il y a beaucoup de millions en jeu. Seule la Ville de Québec joue avec un peu de transparence. On ne sait trop comment tout cela se répercutera dans son compte de taxes (parce qu'on ignore quel est actuellement son coût annuel de renflouement sur la base de son déficit de 500 M$), mais ses engagements envers les régimes de retraite viennent d'un coup de baisser de 170 M$. Alors même, qu'il y a un an, à cette même commission parlementaire, il n'était aucunement envisagé de permettre aux municipalités de baisser leurs engagements.
Il ne s'agit pas de dire que les régimes ne doivent pas être restructurés et que le statu quo doit être maintenu. Loin de là. La préretraite à 55 ans, et même à 60 ans, est un non-sens. Il est aussi nécessaire que les salariés contribuent davantage aux régimes de retraite. En fait, on est même personnellement assez favorable à une annulation temporaire de l'indexation, parce qu'elle fait beaucoup de bien à l'état de santé des régimes et que l'inflation est faible ces années-ci.
Mais, dans l'évaluation de la force de l'effort demandé aux salariés et retraités, il aurait aussi été nécessaire de connaître la force de la ristourne que ce projet de loi accorde aux municipalités.
On ne la connaît toujours pas. Et personne n'a même posé la question.
Incompréhensible.
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