BLOGUE. La Coalition avenir Québec souhaite confier l'administration des nouveaux régimes complémentaires de retraite à la Régie des rentes plutôt qu'à des gestionnaires privés. Elle a peut-être raison, mais ce n'est pas sûr et elle ferait mieux de ne pas en faire un engagement ferme.
La CAQ est revenue mercredi sur le sujet de la retraite. Un épineux problème pour plusieurs Québécois dont certains risquent d'être pauvres raide lorsqu'ils quitteront le marché du travail.
Avant d'aller à sa suggestion, quelques lignes pour avoir un aperçu de l'état des lieux et de l'ampleur du problème.
SUIVRE SUR TWITTER: F_POULIOT
Voici la règle du pouce en matière de planification de retraite. Si vous souhaitez conserver votre niveau de vie actuel, il vous faudra, à la retraite, toucher un revenu équivalent à 70% de la moyenne de vos trois dernières années sur le marché du travail.
Personnellement, on pense qu'il en faudra plus que cela, notamment en raison de l'explosion des coûts de la santé. Mais restons quand même avec la règle.
Selon le site de la Régie des rentes, la pension fédérale procurera au retraité moyen environ 15% de son revenu actuel, le RRQ 25%; les régimes privés et son épargne personnelle devront combler les 30% manquants.
Ouvrez bien les yeux: au Québec, 38% de la population active n'aurait aucune épargne en vue à la retraite, selon une étude de la Régie. Prenons le pourcentage et appliquons-le à une population autour de 4 millions de travailleurs. On voit tout de suite l'ampleur des déceptions à venir. Évidemment, il y a sans doute pas mal de jeunes familles dans le lot, mais, quand même, vous avez 1,5 million de Québécois qui, à leur retraite, risquent de se sentir pas mal serrés (seulement 40% du revenu restera).
Pour tenter de remédier au problème, le ministre Raymond Bachand annonçait dans son dernier budget la mise sur pied des régimes volontaires d'épargne-retraite (RVER).
Ces régimes seront administrés par des gestionnaires privés. Les employeurs n'auront pas à y cotiser. Les employés seront obligés, mais auront l'option de s'en retirer. Du premier janvier 2013 au 31 décembre 2015, la cotisation des employés sera de 2% du salaire. Elle grimpera à 3% l'année suivante et à 4% par la suite.
Le gouvernement calcule qu'à terme, un taux de cotisation de 4% devrait permettre à un salarié d'atteindre un revenu de retraite équivalent à plus de 60% de son revenu de travail en fin de carrière.
Pourquoi la CAQ va un peu vite
Pourquoi la CAQ va un peu vite
L'initiative est bonne.
La Coalition avenir Québec en convient, mais elle confierait plutôt la gestion des sommes à la Régie des rentes du Québec.
Il s'agit d'une enveloppe annuelle globale de 500 M$, qui, à terme, peut certes faire grimper significativement les sommes gérées par la Caisse de dépôt. Ce qui ne fera pas plaisir à ceux qui soutiennent que la Caisse occupe une place trop importante. Les détracteurs de l'initiative pointeront sans doute aussi les aléas de l'institution au cours des 15 dernières années.
Il n'en reste pas moins que les trois derniers exercices de la Caisse sont en voie de la réhabiliter et que l'on peut maintenant espérer que sa performance future sera supérieure à la médiane des caisses de retraite.
Outre cet avantage anticipé au chapitre des rendements, il s'en trouve un autre au chapitre des frais de gestion. Les frais du régime des rentes du Québec s'élèvent à 0,5% de l'actif. Dans l'épargne individuelle, ces frais peuvent facilement grimper à 2%, mais en épargne collective, dépendamment de la valeur des portefeuilles, ils se situent généralement entre 0,5 et 1%. On ne sait pas encore quel sera le taux moyen des RVER, mais on peut présumer qu'il sera plus élevé que le 0,5%. Certains avancent le chiffre de 1%.
À ces deux avantages en faveur de la Régie, il faut cependant ajouter d'importants points d'interrogation.
Un fonds complémentaire de retraite risque de ne pas être adapté à toutes les situations. Il y aura de jeunes, mais aussi de plus vieux travailleurs qui commenceront à cotiser. Le régime des rentes n'est bâti qu'en fonction d'une seule politique d'investissement: le très long terme. On ne peut placer le pactole d'un travailleur de 50-55 ans dans un tel régime. C'est trop fortement l'exposer à une contreperformance moyen terme fort dommageable.
Le régime est aussi bâti de manière à ce que l'on ne puisse sortir l'argent que lors d'événements de vie (décès, divorce, etc.). Les RVER permettront aux travailleurs de se retirer à tout moment. Les nouveaux cotisant seront très souvent vulnérables à des chocs économiques, leurs revenus se situant dans la fourchette inférieure du marché du travail. Ils doivent pouvoir compter sur un cadre financier qui n'est pas trop contraignant.
Avant de statuer que la Régie des rentes devrait gérer les RVER, il y aurait donc lieu d'examiner combien il en coûterait pour qu'elle apporte des transformations à son système.
Le recours à sa gestion pourrait peut-être se justifier pour les plus jeunes salariés. Mais faisons quelques calculs supplémentaires avant de prendre un engagement ferme.
A lire également : L'industrie financière choquée par les propos de François Legault