C'est à la fois agacé et compréhensif que l'on est ressorti lundi de la conférence de presse sur les régimes de retraite donnée par les maires de la région de Montréal et l'UMQ.
Agacé, parce que, à part le maire de Québec, les maires ne disent pas tout, et cachent le but réel de l'opération. Compréhensif, parce que ce but réel n'est pas sans fondement.
Longuement les maires de la région de Montréal ont loué le projet de loi du gouvernement du Québec, un projet qui permet, selon eux, de protéger le contribuable tout en assurant la pérennité des régimes de retraite.
C'est une demi-vérité. Le réel motif du projet de loi sur les retraites est de permettre aux municipalités de récupérer beaucoup d'argent par rapport à ce qu'elles paient déjà. Mais les municipalités ne le disent pas, et personne ne pose de questions parce que bien peu de monde semble l'avoir compris.
L'historique
Petit rappel sur l'historique que l'on faisait la semaine dernière, au lendemain du projet de loi. Ceux qui ont tout ça en mémoire peuvent tout de suite descendre un peu plus bas dans le texte.
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Il y a un peu plus d'un an, Alban D'amours et une équipe d'experts déposaient un rapport destiné à assurer la pérennité des régimes de retraite.
On y proposait notamment une nouvelle méthode de calcul des déficits, baptisée "capitalisation améliorée". L'adoption de cette méthode visait à diminuer les risques de déficits futurs. Mais elle avait aussi pour effet de faire doubler les déficits passés. Vous avez bien lu, faire doubler.
En commission parlementaire, les municipalités, les villes de Québec et Montréal en tête, s'amenèrent pour demander un partage 50-50 des déficits passés (Montréal avait formulé sa demande d'une autre manière, mais l'objectif recherché était le même).
Jusque-là, rien à redire. Depuis quelques années, la facture avait beaucoup monté pour les municipalités (et le contribuable) et il était tout à fait défendable que l'on refuse un nouveau bond.
Le nouveau projet de loi abandonne la recommandation de la méthode de capitalisation améliorée. Si bien qu'on ne parle plus de partager en deux un déficit qui serait doublé, mais de partager en deux le déficit actuel. C'est tout un monde de différence.
L'agacement de la discussion actuelle réside dans le fait que les maires, et le ministre Pierre Moreau, laissent entendre que le projet de loi a pour objet de protéger le contribuable dans le futur. Or, on est plutôt en train de faire une opération de récupération financière, sans vouloir le dire.
Combien récupéreront les municipalités?
Combien récupéreront les municipalités?
On a tenté de le savoir, lundi, mais les maires ont répondu que chaque régime de retraite était dans une position différente et qu'il était impossible de s'avancer.
C'est encore une fois une moitié de vérité. Les municipalités connaissent le déficit de leur dernière évaluation actuarielle et ont une idée de celle qui s'en vient. Elles sont en mesure de calculer combien l'annulation de l'indexation des rentes des retraités rapportera, et combien la division en deux du déficit rapportera.
La preuve en est que le maire de Québec, Régis Labeaume, nous a fourni les chiffres pour sa ville. Au total, sur la dernière évaluation officielle de 2010, le projet de loi permet de récupérer 141 M$ (27% du déficit). La Ville anticipe que la prochaine évaluation actuarielle devrait faire passer son déficit de 517 M$ à autour de 616 M$. Mais, même à cela, elle économisera encore 80 M$.
C'est beaucoup d'argent. Et ce sera des montants plus colossaux encore pour Montréal. Non pas parce que Montréal est plus grosse, mais parce que la Ville de Québec continuera d'assumer à 100% un important déficit de l'ex-ville de Québec, alors que Montréal ne semble avoir que peu d'obligation pour son ex-ville. En pourcentage, les récupérations budgétaires seront nettement plus importantes qu'à Québec. Aussi paradoxale que cela puisse paraître, les efforts du maire Régis Labeaume sur les régimes de retraite rapporteront beaucoup plus à la métropole qu'ils ne lui rapportent à lui.
Agacé, mais compréhensif
On est ressorti agacé donc, du fait que les maires cherchent à cacher l'opération de récupération financière en cours, et surtout son ampleur.
Un peu compréhensif aussi, cependant. Il circule des chiffres à l'hôtel de ville de Montréal qui font un peu frémir. Ainsi, dans les 12 dernières années, le budget de la Ville a grimpé de 1,2 G$ et la masse salariale a représenté 1 G$ de cette hausse. Une hausse du déficit actuariel de 470 M$ explique la situation.
Pour chaque 1000$ de salaire, 400$ vont apparemment aux régimes de retraite.
C'est nettement disproportionné.
Les pro-respect de la parole donnée diront que cette disproportion devrait naturellement fondre de façon appréciable dans les prochaines années lorsque reviendront des taux d'intérêt plus élevés.
D'autres diront qu'il est temps de réduire les avantages des régimes municipaux parce que la rémunération des employés est trop en avant de celle des autres groupes d'employés.
Il y a place au débat.
Mais que l'on cesse de dire que le projet de loi sur les régimes de retraite n'a pour but que d'assurer la pérennité des fonds de pension. C'est une opération de financement des municipalités, avalisée par une loi spéciale du gouvernement du Québec.
Voilà la vérité.
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