Alors que les retraités montent à leur tour aux barricades, le gouvernement du Québec annonce qu'il n'a pas l'intention de reculer sur le partage 50-50 des déficits des régimes de retraite. Ça se corse.
La déclaration du premier ministre Philippe Couillard nous a un peu étonné cette fin de semaine et la position des syndicats nous étonne depuis quelques semaines déjà.
D'abord la déclaration de monsieur Couillard à l'effet qu'il ne reculera pas sur un partage 50-50 des déficits passés. Le gouvernement verrouille son projet de loi avant même la tenue de la commission parlementaire. Ce n'est pas la meilleure façon de faire de ces travaux un échange constructif.
Il aurait été préférable que Québec se borne à dire qu'il n'était pas impressionné par les moyens de pression et que ce n'est pas ceux-ci qui influenceraient sa décision. Que si jamais la position gouvernementale devait évoluer, ce serait en raison de la force des représentations soumises en commission parlementaire.
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Pendant ce temps, la position des syndicats, qui continuent de réclamer qu'il n'y ait que des négociations libres dans chacune des municipalités, est aussi étonnante.
Le problème des déficits de retraite passés semble insoluble sans une loi cadre qui force un règlement en vertu de paramètres prédéterminés.
En l'absence d'une telle loi, il n'y a pas de réel rapport de force possible. Les municipalités n'ont pas droit de lock-out. Et on ne voit pas comment un arbitre pourrait régler la situation. Supposons que l'on amende la loi et que l'on troque l'obligation pour l'employeur de renflouer à 100% les déficits pour une obligation de renflouement "à être convenue par libre négociation entre les parties". Sur quoi un arbitre pourrait-il alors s'appuyer pour dire qu'un déficit passé doit être imputable à telle hauteur aux salariés, à telle autre aux retraités et à telle autre à la municipalité?
Avec une telle approche, les syndicats ne semblent en outre pas se rendre compte que la seule porte de sortie du gouvernement serait d'accorder un droit de lock-out ou d'y aller d'une attaque en règle contre les régimes de retraite de la Sûreté du Québec ou d'Hydro-Québec de manière à créer d'éventuels repères d'arbitrage. Ce n'est pas une stratégie qui apparaît très gagnante pour eux.
Ok, s'il faut paramétrer, où se trouve le raisonnable, alors?
Ok, s'il faut paramétrer, où se trouve le raisonnable, alors?
Il faut donc une loi spéciale qui paramètre la restructuration des régimes de retraite. La principale question qui suit est: le partage 50-50 pour le déficit passé et l'annulation de l'indexation pour les retraités sont-ils des paramètres raisonnables?
À l'évidence, même chez les municipalités, ces paramètres ne font pas consensus. La sortie du maire de Trois-Rivières et de ceux de quelques municipalités le démontre bien.
Il est faux de dire que les régimes de retraite pèsent en proportion égale sur les contribuables de toutes les municipalités du Québec. La firme Aeon Hewitt notait ainsi récemment que, selon une évaluation actuarielle sommaire 2012, les obligations retraites pesaient en moyenne pour 6,2% du budget dans les villes de plus de 100 000 habitants, de 3,1% dans celles de 25 000 à 99 000, et de 2,6% dans les plus petites.
Première suggestion. Il serait peut-être intéressant de permettre aux municipalités qui sont à 3% du budget de ne pas mettre le feu dans leurs relations de travail et de régler le déficit passé dans le cadre d'une négociation globale (nous ne sommes pas dans les situations de lourds déficits qui nécessitent un cadre de négociation paramétré).
Évidemment on se retrouvera peut-être avec quelques déséquilibres de conditions entre des emplois équivalents dans différentes villes, mais il y a déjà quelques déséquilibres de conditions de toute façon dans les différentes conventions collectives.
Voilà pour un premier amendement au projet de loi.
Un second pourrait être de préciser la force du coup d'argent qu'il permet actuellement aux villes de réaliser. On l'a déjà dit dans des chroniques précédentes, le projet de loi permet à certaines villes d'abaisser significativement les niveaux d'emprunts qu'elles ont déjà effectués pour renflouer les déficits du passé. À Québec, par exemple, la récupération est, à vue de nez, évaluée à autour de 80 M$.
Pour l'évaluation actuarielle 2013, l'amendement pourrait faire en sorte de protéger le contribuable en décrétant que les municipalités ne cotiseront pas davantage que ce qu'elles cotisaient jusqu'à maintenant.
Voici un exemple simplifié. En vertu du projet de loi actuel, pour un déficit passé qui passerait de 500 M$ (2010) à 600 M$(2013), les retraités et employés seront tenus de contribuer par des abandons de droits ou des contributions financières de l'ordre de 300 M$, les municipalités récupérant 200 M$. Avec l'amendement suggéré, les employés et retraités contribueraient à 100% de la hausse du déficit. La formule ferait en sorte que le contribuable n'aurait pas plus à débourser qu'il ne débourse actuellement, tout en étant moins exigeante pour les salariés et retraités (100 M$ plutôt que 300 M$).
Reste à voir si chacun est prêt à mettre de l'eau dans son vin…
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