Un front social contre l'austérité est en orchestration et s'apprête à proposer le report de l'équilibre budgétaire du Québec. C'est une mauvaise nouvelle. Pour contrer le danger, Québec devrait abattre son jeu sur ce qu'il peut réellement offrir aux employés du secteur public.
La CSD et la FTQ ont indiqué cette fin de semaine travailler à la mise sur pied d'un front social contre l'austérité.
Il est vrai que le premier report de la Commission de révision des programmes a été décevant. L'argumentaire des commissaires sur la pertinence de certaines mesures gouvernementales manque d'étoffe et de force. À sa face même, on peut constater qu'ils ont été pressés par le chronomètre et n'ont pas eu le temps de se livrer à un examen en profondeur (voir: remontons le jupon et arrêtons le chrono).
Il est aussi vrai que certaines mesures adoptées par le gouvernement restent discutables (un de nos collègue fait face à quelques milliers de dollars d'augmentation cette année - et ce seulement en frais de garde -, ce qui est une exagération).
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Il est enfin vrai que l'offre gouvernementale à la fonction publique d'un gel de salaire de deux ans, et d'augmentations de 1% sur les trois années suivantes, n'est pas loin du ridicule (côté pouvoir d'achat, c'est vraisemblablement reculer à chacune des cinq prochaines années).
Pendant ce temps, la dernière mise à jour économique indique qu'il reste toujours pour 1,2 G$ à identifier pour atteindre l'équilibre l'an prochain, un montant imposant alors que, dans le passé, de bien plus petites commandes ont généré d'énormes difficultés.
À première vue, le réflexe est effectivement de penser qu'il y aurait lieu de prendre une pause et de voir si on ne pourrait pas mieux articuler tout cela.
Une autre façon de voir
Une autre façon de voir
Voici cependant une autre façon de voir.
Une fois déjà on a reporté l'atteinte de l'équilibre budgétaire. Dans un contexte où l'économie était chancelante, mais pas en récession. Jusqu'à quand faut-il laisser la spirale se poursuivre?
La dette continue de grimper en proportion du PIB, et il deviendra de plus en plus difficile d'atteindre l'objectif d'un ratio de 45% au 31 mars 2026 (nous sommes actuellement à 55,1%).
Même les citoyens les plus à gauche du spectre devraient être en faveur de l'atteinte de cet objectif. Dans un contexte de taux d'intérêt qui remonteront (et feront augmenter les charges courantes), c'est un niveau qui devrait garantir la pérennité des services. Pour l'instant, cette pérennité n'est pas garantie, et chaque fois que l'on reporte l'atteinte de l'équilibre budgétaire, on augmente les charges futures, ce qui met à risque plus de services dans l'avenir.
Ajouter de nouveaux déficits ne fera qu'ajouter de la pression plus tard. Et risque d'aboutir à des déchirements publics plus importants que ceux que l'on connaît actuellement.
Peut-on empêcher une vague "report de l'équilibre" de s'élever?
Une chose pourrait peut-être être tentée par le gouvernement pour enrayer la vague "report de l'équilibre", qui se dessine et menace de faire grossir le problème d'aujourd'hui: dévoiler les augmentations salariales que postule son cadre financier pour le secteur public.
La mise à jour économique indique qu'il demeure 1,2 G$ de compressions à identifier pour 2015-16, mais le portrait de la situation n'est pas limpide. On ne sait pas trop si le cadre financier postule un gel salarial, une augmentation de 1% ou encore de 2%. Même chose pour les quatre années qui suivent. Si le cadre postule 2% et que l'on demande le gel, il y a une récupération potentielle de 500 à 800 M$ sur la première année (on prend une masse autour de 35-40 G$). C'est dire que pour une année de gel, et des augmentations plus raisonnables dans les années suivantes, il y aurait peut-être moyen de faire baisser le mécontentement. À la fois chez les salariés et dans le public (dans le public parce que les compressions à venir seraient moindre).
Évidemment, le cadre ne postule peut-être pas 2% de hausse salariale.
Peu importe. Le dévoilement des hypothèses permettrait d'avoir une discussion nettement plus ouverte et franche avec les syndicats. Tout en étant plus transparente pour le public.
On aurait alors le véritable état de la situation.
Sachant que:
1-il est difficile d'en demander plus aux entreprises à qui l'on a retranché des crédits d'impôt et à qui l'on demande de créer des emplois;
2- il est aussi difficile d'en demander plus aux mieux nantis à qui on a justement redemandé dernièrement;
3- la dette de la province empêche de nouvelles mesures de stimulation.
Sachant cela, cet état de situation plus limpide aurait pour avantage de ramener la discussion sur une base financière et de faire montre que le chemin de l'austérité ou de la rigueur (on laissera le choix au lecteur), en est malheureusement un incontournable.
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