Il y a quelques jours, dans un endroit public. Alors qu'on attend le début d'un événement, un membre de l'organisation de Québecor échange avec deux autres personnes. «Ça bouge. Vous allez voir, dans une couple de semaines, on devrait avoir des choses intéressantes à annoncer.»
Malheureusement, la discussion s'arrêtera là. Que prépare Québecor ?
Depuis quelques jours, des analystes spéculent qu'elle pourrait préparer une expansion hors Québec dans le sans-fil. Il est vrai que le paysage n'a probablement jamais été aussi favorable. L'encan en cours chez Industrie Canada réserve un spectre de fréquences de 700 MHz aux nouveaux entrants dans le sud de l'Ontario, en Colombie-Britannique et en Alberta. Or, compte tenu des difficultés financières de Mobilicity, et Wind qui n'a pas assez d'argent pour participer à cette enchère, il ne reste guère que Québecor comme acheteuse potentielle. C'est dire que ces blocs de fréquences pourraient lui être accordés au prix plancher de 96 M$ (total des trois marchés).
La rumeur va encore plus loin et laisse entendre que Québecor discute pour acheter à la fois Mobilicity et Wind. Telus a voulu acheter Mobilicity à deux reprises. À chaque occasion, Industrie Canada a dit non. Telus offrait 380 M$. Des analystes croient que, dans les circonstances, Québecor pourrait rafler la société pour 190 M$. Même situation pour Wind, que Rogers voulait acheter au soi-disant prix de 700 M$, et qui pourrait changer de main pour 400 M$.
Pas cher (600 M$) pour des sociétés qui, selon Canaccord Genuity, ont investi ces dernières années pour 3 G$ en spectres, construction de réseaux et pertes d'exploitation.
Serait-ce ce qui se prépare ?
Peu probable. Dvai Ghose, de Canaccord, calcule que pareille opération coûterait à Québecor au moins 1,6 G$, sans compter les pertes d'exploitation qui suivraient. En plus d'acheter Mobilicity et Wind, il lui faudrait en effet construire un réseau pour le nouveau spectre (les autorités exigent une couverture de 50 % de la population dans 10 ans). Et on ne compte pas non plus le spectre que Vidéotron doit aussi acheter au Québec, de même que les investissements qu'elle doit faire dans ses équipements de quatrième génération.
Au total, l'opération avoisinerait les 2 G$. C'est beaucoup pour une société dont le ratio dette/BAIIA est actuellement de 3,6, et dont la capitalisation boursière est de 3,1 G$.
On ne voit pas Vidéotron tenter un tel pari. Les nouveaux arrivants se sont cassé les dents dans le sans-fil, simplement parce qu'ils ne sont pas en mesure d'offrir des bouquets de services avec le câble, l'accès à Internet, la téléphonie traditionnelle et la télévision. Il viendra peut-être le jour où les consommateurs changeront de comportement mais, pour l'instant, la plupart préfèrent être abonnés à un seul fournisseur qui offre tous les services. Et ils n'hésitent pas à opposer les différents fournisseurs, question d'obtenir le meilleur prix d'ensemble.
Vidéotron n'aurait pas l'avantage d'offrir des bouquets au Canada. Elle aurait les reins plus solides que ceux qui l'ont précédée, mais l'aventure générerait tout de même des pertes.
Une alliance avec Rogers ?
Peut-être Québecor vise-t-elle cependant plus petit. Elle pourrait, avance notamment Valeurs mobilières TD, acheter uniquement du spectre à l'encan en cours (environ 96 M$ pour le marché hors Québec) et conclure une entente avec Rogers pour partager du spectre et du réseau. Pour Québecor, les investissements nécessaires seraient moindres. Idem pour Rogers à l'avenir. Rogers obtiendrait aussi des revenus d'itinérance des abonnés qui choisiraient Québecor comme fournisseur.
Il n'est pas très sûr que Rogers gagne à amener un quatrième joueur pour la concurrencer dans tous ses marchés. Ce n'est pas impossible cependant. Elle préfère probablement avoir un acteur faible pour la concurrencer, que de voir débarquer le géant Verizon.
Outre le spectre à acheter, le coût d'une telle opération pour Québecor n'est pas très clair. Le potentiel de création de richesse, lui, demeure très incertain. Comme dans le premier scénario, un réseau de vente pancanadien sera nécessaire, et des pertes d'exploitation suivront pendant un certain temps.
Un coup d'argent ?
Peut-être ne s'agit-il aussi que d'acheter du spectre hors Québec et d'attendre un certain temps pour le revendre à un nouvel entrant ou faire équipe avec lui dans une coentreprise ? Pierre Karl Péladeau s'était dit favorable à l'arrivée de Verizon, il y a quelques mois. C'est un scénario qui n'est pas assurément gagnant, parce qu'il faut qu'un acheteur-partenaire se présente. Mais c'est le moins coûteux.
Le scénario le plus probable
On écarte le scénario 1 (achat de Wind et Mobilicity). Le scénario 3 (achat de spectre pour le revendre) nous laisse perplexe. Ce n'est pas le genre de la maison de s'asseoir et d'attendre. Il y a peut-être quelque chose qui se trame avec Rogers. On en saura plus d'ici peu.