Les résultats du troisième trimestre de Groupe TVA (TVA.B, 9,50$) ont passablement surpris par leur faiblesse. Qu'en penser ?
Les analystes s'attendaient à un bénéfice d'environ 0,20 $ par action, voilà qu'il est plutôt descendu à zéro.
Le recul de 4,2 % des revenus publicitaires de la grande antenne TVA montre que le marché de la publicité continue de se fragmenter, et que la popularité croissante du placement sur Internet, de même que l'arrivée de chaînes spécialisées, grugent de la tarte.
La majeure partie du déraillement des bénéfices est toutefois attribuable à trois éléments prépondérants : la conversion de la chaîne Sun TV en Sun News et le lancement des nouvelles chaînes de télévision Mlle et TVA Sports.
Sachant que ces unités ne seront pas rentables avant 3 à 5 ans, se pose la question suivante. Pour évaluer la valeur de TVA, faut-il prendre en compte les pertes futures de ces entités, ou plutôt les exclure ?
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Personnellement, on aurait été plutôt porté à les mettre de côté. Et à n'évaluer que la valeur du tout restant. Si la direction de l'entreprise décide de fermer les entités après un certain temps, la rentabilité remontera automatiquement.
La plupart des analystes ne semblent cependant pas de cet avis, et ont décidé d'appliquer les pertes des unités au bénéfice. Tout en continuant d'appliquer à ce bénéfice un multiple d'industrie. La méthode a pour effet de faire fondre davantage le cours du titre que celle que l'on privilégierait.
TVA peut-elle réussir à redresser les entités ?
TVA peut-elle réussir à redresser les entités?
En l'absence d'un club de hockey à Québec, TVA Sports n'a pas vraiment d'avenir. La chaîne finira sans doute par toucher des redevances d'abonnement de tous les distributeurs, mais il lui faut aussi du marché publicitaire. Sans les matchs du CH, qu'il serait étonnant qu'elle obtienne un jour, les cotes d'écoute ne seront pas suffisantes pour atteindre la rentabilité. Son sort est entre les mains de Gary Bettman.
Pour Mlle, on ne sait trop.
Pour Sun News, c'est difficile à dire. Ces types de chaînes d'information sont, à nos yeux, néfastes socialement, souvent à la limite de l'éthique journalistique, quand elles n'y font pas entorse. Elles ne méritent pas les yeux et les oreilles qui les syntonisent. Mais aux États-Unis, Fox News, qui mise sur l'approche, a des cotes d'écoute qui caracolent et malheureusement de nombreux annonceurs. Ce qui fait qu'elle pourrait bien créer de la valeur à terme.
Ce n'est pas si important de toute façon
Comme on le disait plus haut, que TVA réussisse ou non les redressements ne semble pas si important. Non pas qu'il soit sans conséquence de dépenser de l'argent et de ne jamais atteindre la rentabilité. C'est de la valeur et du potentiel de rendement détruits. Mais il ne s'agit pas d'une destruction de valeur qui touche les activités centrales de l'entreprise, plutôt les activités «banc d'essai».
C'est ce qui fait que le titre nous semble actuellement potentiellement sous-évalué. Du moins pour l'investisseur prêt à faire preuve d'une certaine patience. Ou bien les entités atteindront un jour la rentabilité et auront créé de la valeur par rapport à celle que leur accorde le marché, ou bien elles seront abandonnés, ce qui fera mieux ressortir la valeur des activités centrales.
Sous-évalué de combien ?
Sous-évaluée de combien?
Évidemment ce n'est pas simple à dire avec précision, puisque TVA ne dévoile pas la proportion des pertes liées aux entités et celles liées à la détérioration du marché publicitaire de la grande antenne.
Cela dit, une chose est sûre, le consensus projeté des analystes les prend en compte, puisque la direction déclare que ces entités ne seront pas rentables avant 3 ou 5 ans. Il est donc difficile de quantifier la sous-évaluation, mais aisé de voir que sous notre approche, elle existe.
Il y a peut-être même mieux
S'ajoute à la situation une prime potentiellement assez intéressante, que le marché ne semble pas prendre en compte dans les multiples qu'il applique. La Cour d'appel fédérale a tranché il y a quelque temps que le CRTC avait juridiction pour instaurer un régime de redevances aux télévisions généralistes. La Cour suprême a décidé d'entendre l'affaire et une décision pourrait arriver quelque part l'an prochain.
Rien n'est assuré, mais si la Cour suprême devait confirmer la décision de la Cour fédérale, les diffuseurs généralistes auraient droit à une contrepartie financière en échange de leur signal, et ce, sans obligation de réinvestissement.
Comme elle détient les meilleures parts de marché du Canada, TVA est sans doute la chaîne qui possède le plus grand pouvoir de négociation au pays. Dans son évaluation de la situation, le CRTC a déjà, dans le passé, étudié deux scénarios de redevances. À 0,50 $ par abonné, c'est 26 M$ de revenus additionnels pour TVA ; à 0,25 $, c'est 13 M$. Le résultat est à mettre en perspective avec un BAIIA (bénéfice avant intérêts, impôts et amortissements) attendu de près de 58 M$ en 2012.
Quand même assez significatif, même dans le plus faible scénario. À suivre.
* Divulgation: l'auteur est un ancien directeur principal de Quebecor Media et chroniqueur à la chaîne Argent de TVA.
DANS LE DÉTAIL
Sur le radar
Le titre sur cinq ans
TVA (TVA.B, 9,50 $)
Données de marché
SYMBOLE TVA.B
Prix actuel 10,00 $
Fourchette 52 sem. 9,02 $ à14,98 $
Dividende 0 $
Valeur boursière 238 M$
Prévisions de bénéfice par action
ANNÉE / 2011 / 2012
31 déc. / 1,43 $ / 1,62 $
T1 / 0,01 $ / 0,04 $
T2 / 0,58 $ / 0,62 $
T3 / 0,01 $ / 0,26 $
T4 / 0,66 $ / 0,78 $
Recommandation des analystes
Achat 0
Surperformance 1
Conserver 3
Sous-performe 1
Vendre 0
Cible des analystes
Moyenne 13,85 $
Plus élevée 17 $
Plus basse 11 $
Sources : Thomson Reuters, Bloomberg
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francois.pouliot@transcontinental.ca