BLOGUE. Si le ministre Nicolas Marceau espérait être appuyé dans son initiative de réformer les intérêts que doivent concilier les conseils d'administration en cas d'OPA étrangère, il sera aujourd'hui déçu. Geoff Molson, qui siège au conseil de Rona, estime que les administrateurs ne doivent prendre en compte que le seul intérêt des actionnaires.
Vendredi, le ministre des finances a confié qu'il songeait à amender la Loi sur les sociétés par action et élargir le mandat des conseils d'administration « de manière à ce qu'ils tiennent compte des intérêts des actionnaires, mais aussi des employés, des retraités, des fournisseurs, de la communauté d'accueil et de toutes les parties prenantes. »
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Nicolas Marceau a ajouté que les conseils pourraient devenir libres, à la lumière de ces critères, de ne pas transmettre l'offre à leurs actionnaires. Une situation apparemment déjà en application dans certains États américains.
Le ministre a cependant précisé qu'il entendait consulter avant d'aller plus loin, reconnaissant qu'il s'agissait d'un gros amendement à la législation.
L'entrée en scène de Geoff Molson
Geoff Molson a beaucoup parlé d'engagement dans la communauté, lundi midi, devant la Chambre de commerce de Laval. Il a longuement souligné l'engagement de Molson, du Canadien et d'evenko dans les communautés locales.
En marge de sa conférence, il nous est venu à l'idée de le sonder sur le projet du ministre.
« Moi, comme membre du conseil d'une compagnie publique, ce sont les actionnaires qui comptent et c'est tout », a répondu monsieur Molson.
Il a plus tard réitéré que l'engagement social d'une société était important, mais que sur une base décisionnelle, un administrateur ne devait prendre en compte que l'intérêt des actionnaires.
La déclaration est d'autant dommageable pour les intentions du gouvernement que monsieur Molson est administrateur de Rona, la société qui est en grande partie à l'origine de tout le débat.
Il y a quelques semaines le conseil de l'entreprise a refusé une offre d'achat de Lowe's en estimant que le prix n'était pas satisfaisant pour les actionnaires. Depuis, plusieurs redoutent que Lowe's ne revienne avec une proposition majorée.
À l'époque, l'ex-ministre des finances, Raymond Bachand, s'était opposé au projet de transaction en indiquant qu'il n'était pas dans l'intérêt du Québec. Il allait notamment faire disparaître un siège social et mettait à risque les contrats d'un certain nombre de fournisseurs locaux.
Que penser de la proposition Marceau?
Que penser de la proposition Marceau?
La position de monsieur Molson est un solide uppercut à l'école du capitalisme nationaliste et à celle qui se situe plus à gauche sur le spectre.
Nous n'en sommes cependant qu'aux premiers jalons de la réflexion. Et il ne faudrait pas nécessairement conclure que le débat est clos.
Dans l'affaire BCE, la Cour Suprême a déjà statué qu'un conseil devait prendre en considération l'intérêt de plusieurs parties. Son jugement est cependant rempli de flou et les avocats ne s'entendent pas sur sa portée et son interprétation.
Le Québec possède peu de sièges sociaux d'importance, qui pourraient en bonne partie disparaître dans les prochaines années. Ce n'est pas le cas dans de plus grandes juridictions. Le ministre a raison de ne pas vouloir demeurer oisif.
Certains font valoir que les sociétés québécoises performantes sont à l'abri des OPA parce qu'elles ont la capacité de toujours créer plus de richesse que les offres qui pourraient être soumises. C'est un leurre duquel il faut se méfier, en pensant notamment à Alcan et à la notion de maturité de marché.
Histoire de ne pas se mettre d'autres juridictions à dos, il y aurait peut-être cependant lieu d'aborder la question de la protection des sièges sociaux différemment. En adoptant simplement une loi calquée sur celle du fédéral qui permettrait de refuser une transaction lorsqu'une entité est jugée stratégique pour l'économie de la province. On ratisserait moins large et cela aurait pour effet de simplifier le travail des administrateurs.
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