Déjà qu’elle était animée, la discussion économique risque de prendre de l’ampleur au cours des prochains mois. La plateforme économique présentée par Pierre Karl Péladeau convie à d’intéressants débats.
Le document « Propulser notre économie pour Réussir », qui contient les germes de la pensée économique de monsieur Péladeau, est très nettement partisan, et fait bien entendu la promotion de la souveraineté du Québec.
Il y manque la réponse à l’interrogation économique qui, personnellement, nous taraude. « Dans l’éventualité d’un Oui à la grande question, étant donné sa forte dette, le Québec pourrait-il faire face à d’éventuelles turbulences économiques sans avoir à couper dans ses programmes sociaux actuels?»
Cela dit, l’indépendance mise de côté, le programme amène de nouvelles idées et ramène quelques débats non vidés sur lesquelles réfléchir. Rapides commentaires sur les plus importantes propositions.
TROIS NOUVELLES PROPOSITIONS
La préférence Québec
Monsieur Péladeau propose de confier à l’Institut québécois de la recherche appliquée sur l’indépendance (un futur organisme de préparation de la souveraineté) le mandat de développer des instruments qui permettent de favoriser les entreprises québécoises dans l’octroi de contrats publics. À l’instar de ce que font les Américains avec les Buy American et Buy America Acts.
COMMENTAIRE. Il y a déjà de ça dans certaines lois québécoises, mais c’est gris au plan juridique. On se rappellera de toute la saga qu’avait engendré la décision du gouvernement Charest de confier le renouvellement des voitures du métro de Montréal à Bombardier pour maintenir les activités de l’usine de La Pocatière. Une histoire d’horreur.
Il serait bien d’avoir une politique d’achat claire dans sa lettre.
D’autant qu’on peut se demander si sa mise en oeuvre n’aurait pas un effet d’entraînement sur l’ensemble de Québec inc. La création d’une espèce d’atmosphère où chacun se demanderait s’il ne doit pas lui aussi favoriser les entreprises d’ici pour ses besoins en biens et services. Il y a plusieurs années, dans la région de Bellechasse-Etchemins (le patelin de l’auteur), un hebdo régional et deux CLD avaient obtenu de forts surprenants résultats régionaux avec une simple campagne d’achat local.
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Le plan numérique
Création d’un Conseil national du numérique et d’un ministère de l’économie numérique.
COMMENTAIRE. Il se profile ici un intéressant débat : y a-t-il encore du potentiel de développement pour le Québec dans le numérique? Et, si oui, comment le développer?
Il y a d’abord la question de la disponibilité de la main-d’œuvre et de sa formation.
Il y a aussi ceci. Dans une récente entrevue au journal, le ministre du développement économique, Jacques Daoust, estimait que le développement du multimédia avait coûté trop cher au Québec et que l’Ontario avait mieux travaillé. La province a choisi de donner des subventions à Ubisoft pour qu’elle lui crée 800 emplois. La masse critique atteinte, le phénomène de grappe a ensuite fait son œuvre et d’autres emplois non subventionnés ont été créés. L’ex-premier ministre Bernard Landry n’est cependant pas d’accord avec monsieur Daoust et plaide que les retombées du multimédia ontarien ne sont pas du tout les mêmes que celles du Québec.
Le secteur du numérique est un secteur d’avenir et il est temps d’effectivement jauger son potentiel.
L’apprentissage de l’entrepreneuriat à l’école
Cette proposition n’est pas en grosses lettres dans le document. Mais elle y est quand même. Monsieur Péladeau souhaite que l’apprentissage de l’entrepreneuriat soit intégré dans le cursus secondaire et collégial.
COMMENTAIRE. Il n’est pas dit comment cela s’opérerait et, sachant comment les discussions sont complexes dans le milieu de l’éducation, le plus difficile reste à faire.
C’est néanmoins une très bonne idée. Le Québec a un plus faible taux d’entrepreneurs qu’ailleurs (voir le livre du confrère Pierre Duhamel, Les entrepreneurs à la rescousse) et il est impératif que nous en formions davantage. Ce sont eux qui font naître les entreprises. Mieux ils seront outillés, plus grande seront les chances de création de valeur économique et sociale.
Un pareil programme permettrait aussi de renforcer l’éducation économique au Québec.
D’AUTRES IDÉES MOINS NEUVES, MAIS OÙ LE DÉBAT N’EST PAS VIDÉ
D'AUTRES IDÉES MOINS NEUVES, MAIS OÙ LE DÉBAT N'EST PAS VIDÉ
La protection des sièges sociaux
La question de la protection des sièges sociaux au Québec n’est toujours pas réglée.
Monsieur Péladeau veut mettre sur pied une stratégie qui identifiera des « noyaux durs » et qui fera en sorte que nos plus importants sièges sociaux ne seront pas rachetés par l’étranger. Cette stratégie serait menée « avec nos différentes institutions financières ».
COMMENTAIRE. C’est une question difficile que celle des sièges sociaux. Malheureusement, il est généralement trop tard pour mettre en place des mécanismes de défense lorsqu’une OPA est lancée. Les sauveteurs sont alors forcés d’entrer à prime dans les titres et, si le sauvetage réussit (avortement de l’OPA), la valeur de leur mise tombe.
Cette suggestion de prises de participation concertées à l’avance est nouvelle dans la discussion. Maintenant, qui les prendra? Et comment articulera-t-on tout ça?
Lutte contre les schémas d’optimisation fiscale
Le programme précise qu’il faut accéder à l’indépendance pour que le Québec puisse intervenir en cette matière et aller plus loin que ce que fait Ottawa.
COMMENTAIRE. Ces questions d’évasion et d’optimisation fiscales sont hautement complexes et nuancées. Elles ne pourront être résolues que de façon multipartite. Il n’est pas certain qu’un Québec indépendant serait plus efficace à les solutionner.
Mais il est bon que l’on fasse du bruit sur le sujet.
Le plan d’électrification des transports
L’objectif est de faire du Québec un leader mondial en transport électrique d’ici 10 ans.
La stratégie est à parfaire. Elle irait de l’exploitation minière des terres rares et du lithium, à la fabrication de batteries et de composantes.
COMMENTAIRE. Le débat pourrait ici être moins fort. Le nouveau projet reste à définir. Et on n’a pas compris que le gouvernement actuel était contre le projet d’électrification initial de madame Marois. Il y a peut-être une question de capacité des finances publiques, mais, sur les orientations, les divergences ne semblent pas majeures.
Plus de pouvoirs économiques aux régions
Les municipalités régionales recevraient de nouveaux pouvoirs et de nouvelles sommes d’argent pour faire du développement économique local. Le document parle d’accès à l’indépendance et de rapatriement de certaines sommes d’argent d’Ottawa qui seraient envoyées dans les régions. Le document ne dit cependant pas que de nouveaux pouvoirs économiques et de nouvelles sommes seraient confiées aux régions si le Québec demeure une province.
Il y aurait cependant création d’un nouvel organisme baptisé Développement Québec, où seraient regroupés des programmes du ministère de l’économie, d’Export Québec et d’Investissement Québec. Ce nouvel organisme viendrait épauler les CLD, à qui l’on souhaiterait redonner du muscle.
COMMENTAIRE. Le débat est déjà en cours sur le rôle des CLD et autres organismes gouvernementaux en région. Puisqu’elle tient à la réalisation de l’indépendance, cette proposition n’ajoute guère au débat actuel.
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