Le ministre Gaétan Barrette et le premier ministre Philippe Couillard devraient rapidement cesser de défendre le ministre Yves Bolduc. À défaut, c'est leur démission qui risque bientôt d'être réclamée sur la base d'un cautionnement d'un abus de confiance du public.
La «bien grosse tempête dans un tout petit verre d'eau», pour reprendre l'expression du premier ministre, est en train de sortir du verre.
Lundi, c'est l'ancien ministre libéral Claude Castonguay qui a écrit à La Presse pour demander la démission du ministre Bolduc. L'attaque ne vient plus que de l'opposition officielle, elle vient de l'intérieur.
Les faits
Pendant qu'il était dans l'opposition, le docteur Bolduc est retourné à la pratique à temps partiel et s'est constitué une nouvelle clientèle de 1500 patients. Il a bénéficié d'une prime de 100 à 200$ par patient (dépendamment de leur vulnérabilité), ce qui lui a donné la somme totale de 215 000$ (en plus des honoraires facturés).
De retour dans son poste de ministre de l'Éducation, il a quitté la pratique, mais conservé la prime.
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Un parlementaire doit-il occuper d'autres fonctions?
Ce n'est pas la principale, mais c'est l'une des questions que soulève l'affaire. Et la première dont on traitera. (Sur, où tout le monde trébuche, vous pouvez tout de suite aller au deuxième point).
Monsieur Bolduc n'est pas le seul parlementaire qui ait occupé d'autres fonctions en parallèle à ses activités d'élu. Amir Khadir, qui est un spécialiste en microbiologie, travaille lui aussi à temps partiel dans le système de santé (Monsieur Khadir précise que c'est pour conserver son droit de pratique, que la charge est minimale, et donne ici plus de précisions quant à celle-ci).
Il y aurait lieu pour l'Assemblée de réfléchir sur l'encadrement d'une telle situation. Il ne s'agit pas de la condamner. Messieurs Bolduc et Khadir sont des ressources rares dans le système de santé et on peut voir positivement le fait qu'ils fournissent au public une prestation de travail supplémentaire à celle qu'ils fournissent comme député.
Dans le cas sous étude, la question est cependant de savoir si la fonction accessoire n'est pas venue empiéter sur la fonction principale de monsieur Bolduc.
Au Québec, un omnipraticien traite en moyenne 1100 patients. Le docteur Bolduc en traitait 1500.
Il faut faire attention à la statistique. Dans leurs 20 premières années de pratique, les médecins québécois sont tenus de consacrer une bonne partie de leur temps en hôpital. On parle de 40% de leur temps. Ce qui leur laisse beaucoup moins de temps pour prendre des patients réguliers. S'ils n'avaient pas cette obligation, le nombre de patients suivis serait beaucoup plus élevé.
Le nombre de patients acceptés par monsieur Bolduc n'en apparaît pas moins élevé. Il ne pratiquait après tout qu'à temps partiel.
Une précision, à son avantage cependant. C'est apparemment un bourreau de travail, qui, à une autre époque, était l'un des médecins qui facturait le plus à la Régie de l'assurance maladie du Québec. On raconte qu'à l'époque où il était directeur des services professionnels d'Alma, il faisait de l'urgence sur plusieurs heures. Le soir, les fins de semaine, tout y passait. Il est fort possible qu'il ait conservé ce double et triple régime de production au cours de la période qui nous occupe.
Sur cette première question (donnait-il suffisamment de temps à sa fonction de député), le bénéfice du doute peut peut-être lui être accordé. Ce n'est cependant pas là que se trouve son principal problème et celui de ceux qui le défendent.
Là où est le grand problème
Là où est le grand problème
Le véritable problème de monsieur Bolduc se trouve dans la portée qu'il donne à la politique d'incitation.
Cette politique a été mise sur pied en novembre 2011 et s'est étendue jusqu'au 1er juin 2013 (elle existe encore, mais les primes sont nettement moindres).
Elle avait pour but d'amener les médecins à prendre quelques patients de plus. Quelque chose comme entre 100 et 150 patients de plus. Pas 1 500.
Le ministre a beau dire que sa prime a été touchée en toute légalité, elle ne l'a assurément pas été en toute moralité et en toute éthique.
Monsieur Bolduc était celui qui dirigeait le ministère de la Santé lorsque le programme a été mis sur pied. Celui-ci a été discuté dans les médias. Nul mieux que lui ne connaissait son dessein.
Même le sachant, il a utilisé un programme visant à récompenser les médecins qui alourdissaient leur charge de travail de quelque chose comme 10% (100-150 patients sur une moyenne de 1100) pour plutôt se construire à bonus 100% d'une nouvelle clientèle.
C'est un flagrant abus de système et de la confiance du public. Un représentant à l'Assemblée nationale ne peut agir ainsi. C'est aussi un abus qui ne peut être cautionné par le ministre de la santé et le premier ministre. L'accepter équivaut à entériner un comportement qui manque à l'éthique.
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